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OGM : tour d'horizon ....

PETITIONS

 

  1. http://www.greenpeace.fr/ogmjenveuxpas/zappons-les-ogm/ 
  2. http://www.ogm-jedisnon.org/
  3. http://www.avaaz.org/fr/eu_gmo
  4. http://www.amisdelaterre.org/Petition-Campagne-OGM.html
  5. http://www.infogm.org/spip.php?article4381

Le génie génétique en agriculture from Greenpeace Suisse on Vimeo.

 

 

http://m.futura-sciences.com/

 

Ce dossier présente les OGM sous différents aspects : les risques potentiels pour notre santé et notre alimentation, leurs avantages, les conséquences de leur exploitation sur l'environnement, l'impact sur l'économie, le principe de précaution, l'aspect juridique ...


NB : Ce dossier est volontairement exhaustif, permettant à tout un chacun, selon ses interrogations ou ses préoccupations du moment, de trouver l'information qu'il recherche / sources : Compte-Rendu de l'Adit du colloque "OGM - Risques et Enjeux" (Slovénie - Octobre 2002), Ministère de l'environnement, Commission Européenne, CNRS, Fondation slovène pour le développement durable.

 

  • Qu'est-ce qu'un OGM / Organisme Génétiquement Modifié ?

 

Un OGM est un Organisme Génétiquement Modifié. C'est à dire un organisme dans lequel a été inséré un gène absent à l'état sauvage, ou un organisme dont l'expression d'un gène a été volontairement modifiée. Ce gène peut provenir de n'importe qu'elle espèce vivante, à condition de lui avoir ajouté divers éléments nécessaires à son expression dans l'organisme receveur. Ce gène peut coder pour différentes protéines d'intérêt très général pour la santé ou l'agriculture. C'est le cas par exemple d'un facteur permettant la coagulation du sang (facteur absent chez les hémophiles), ou encore une protéine permettant à une plante de mieux résister aux maladies.

Lorsque l'on parle d'OGM, il est difficile d'éviter un débat passionné entre les défenseurs des OGM et leurs opposants. Débat véhiculant toutes sortes de fausses idées, de clichés et de craintes au près du public. Souvent le débat mélange OGM, malnutrition, risques alimentaires, et mondialisation. Il est donc du devoir des scientifiques de sortir de leurs laboratoires pour prendre la parole, expliquer, discuter, tordre le cou aux idées reçues et en finir avec cette image que les OGM seraient forcément une menace pour notre société.

Les OGM les plus médiatisés sont les plantes (maïs, colza, blé…), mais il est important de savoir que de nombreux autres OGM existent et sont utilisés. Ils sont indispensables à toute recherche scientifique dans le domaine des sciences du vivant.

Mais ils sont aussi très utilisés au niveau de la santé : en effet de nombreuses bactéries ont été génétiquement modifiées pour exprimer des protéines virales entrant dans la composition des vaccins. Cela évite l'utilisation de souches virales atténuées, élimant totalement le risque de contracter la maladie au cours de la vaccination. De manière théorique tout organisme vivant peut-être transformé en un OGM ; jusqu'à présent il a été possible de modifier génétiquement de nombreux mammifères (chèvres, souris…), des plantes, des bactéries et sans doute bien d'autres.

 

  • Comment fabrique-t-on un OGM ?

C'est un processus long et délicat dont un exemple est donné dans la figure ci-dessous. Pour l'expliquer nous allons prendre l'exemple d'une plante dans laquelle on cherche à introduire un gène d'intérêt (nous appellerons ce gène YFG).




Crédits : La Recherche

La première étape consiste à cloner le gène YFG dans un plasmide. Un plasmide est une petite molécule d'ADN circulaire qui se multiplie en même temps que les chromosomes. Pour obtenir de grande quantité de ce plasmide celui-ci est tout d'abord introduit dans une bactérie -E. coli-(l'avantage d' E. coli est qu'elle se multiplie très rapidement). Généralement un antibiotique est utilisé pour ne permettre la croissance que des bactéries qui ont reçu le plasmide (le plasmide porte un gène de résistance à l'antibiotique). Ainsi après une nuit de culture on obtient assez de bactéries pour pouvoir extraire le plasmide pur en grande quantité.

Ensuite celui-ci est transféré dans les cellules qui nous intéressent (dans notre cas, des cellules végétales). Il existe plusieurs moyens de transférer un plasmide dans une cellule végétale. Soit on bombarde les cellules avec des petites billes recouvertes du plasmide, soit on utilise une autre bactérie, A. tumefaciens, qui possède naturellement la capacité de transférer une partie de son ADN dans les cellules de la plante qu'elle infecte. Quelque soit l'organisme, l'efficacité d'un transfert d'ADN n'est jamais de 100%; il est donc systématiquement nécessaire de sélectionner les cellules qui ont reçu l'ADN de celles qui ne l'ont pas. Si le plasmide possède un gène de résistance aux herbicides, ceux-ci peuvent être utilisés pour sélectionner uniquement les cellules porteuses du plasmide. Cependant cette stratégie de sélection est maintenant couramment remplacée par d'autres moyens de sélections n'utilisant ni les antibiotiques, ni les herbicides. Un critère essentiel, est la stabilité du gène YFG dans son nouvel hôte.

Une fois que la plante commence à pousser, il faut s'assurer de l'expression du gène YFG. En effet, lors du transfert dans la plante le gène s'est intégré au hasard dans un chromosome, or il est connu que le lieu d'intégration dans les chromosomes influence fortement la capacité d'un gène à s'exprimer. Comme le gène a été inséré dans la cellule qui a donné naissance à la plante, cela signifie que toutes les cellules de la plante posséderont le gène YFG, mais celui-ci peut ne pas être exprimé dans toutes les cellules (l'expression de nombreux gènes s'effectue de manière très spécifique à un tissu) cela dépendra de son lieu d'intégration dans le chromosome.

La mise au point des plasmides a été fortement améliorée ces dernières années. Maintenant il est possible d'éliminer du plasmide tous les gènes de sélection utilisés dans les bactéries. Ainsi la cellule nouvellement OGM, ne possède pas de gène de résistance aux antibiotiques qui risqueraient d'être disséminée dans la nature.

 

  • Impact des OGM sur la santé


Par Robert Naquet, CNRS, Président du comité pour l'éthique en sciences de la vie

Le premier enjeu déclaré de la recherche sur les OGM concerne à la fois la santé et l'alimentation. Le thème de cette réflexion porte avant tout sur les «OGM » tels qu'ils sont perçus dans le grand public, leur innocuité ou leurs dangers pour le consommateur que nous sommes. Le médecin que je suis, ne peut ignorer leur utilité immédiate ou potentielle dans d'autres domaines de la santé. Je serai bref mais ne peux m'empêcher de citer brièvement quelques exemples montrant leur intérêt pour le diagnostic, le traitement et la création de produits vaccinaux :

  • Une première mondiale française en thérapie génique a été réalisée en avril 2000. Des enfants atteints d'un déficit immunitaire sévère ont pu sortir de la bulle protectrice dans laquelle ils vivaient, grâce à une thérapie génique. Un an après l'introduction d'un gène médicament dans les cellules de leur moelle osseuse, ces enfants ont retrouvé un système immunitaire complètement normal et fonctionnel. Depuis l'intervention ils ne reçoivent aucun traitement; pour autant, la durée de cet effet bénéfique reste incertaine. Selon les chercheurs français il serait possible, en cas de nouvelle défaillance du système immunitaire de renouveler un transfert de gène.
  •  Des médicaments sont déjà produits et commercialisés par des bactéries génétiquement modifiées. On peut citer l'hormone de croissance (extraite auparavant d'hypophyses prélevées sur des cadavres, avec le risque que l'on sait que l'un d'entre eux soit porteur de la maladie de Creutzfeld-Jacob), et l'insuline dont nul n'ignore l'importance dans le traitement du diabète.
  • Des travaux complexes sont entrepris pour synthétiser de des médicaments par introductions successives de gènes étrangers dans des organismes, comme la levure. Des modifications génétiques sur certains mammifères permettent d'obtenir des molécules à intérêt thérapeutique, par exemple, par la voie du lait. D'autres réalisées sur les végétaux, comme un tabac transgénique produisent de l'hémoglobine humaine.

Des recherches sont en cours pour l'expression de vaccins anti-caries dans les bananes.

Pour le consommateur:

  • L'ingestion d' OGM peut présenter des avantages sur la santé, comme par exemple celle de riz doré. Il existe dans le riz, localisée dans la coque de la graine, une provitamine A nécessaire pour la vision. Certaines populations (plusieurs millions), notamment en Asie, ingèrent, comme seul aliment, du riz émondé (sans la coque) avec pour conséquence une avitaminose A responsable chez plusieurs milliers d'individus, de troubles visuels importants et irréversibles. L'adjonction, par transgénèse, de provitamine A dans l'albumen du riz justifie les efforts actuels dans ce domaine.
  • Cependant l'ingestion de produits contenant des OGM ou issus des OGM a créé et crée toujours une incertitude sur la présence d'une substance indésirable qui pourrait présenter des dangers pour lui-même ou pour l'animal. Ce questionnement est normal du fait même que les recherches sur ce type d'OGM ont pour but de conférer aux plantes des résistances aux agents pathogènes et une tolérance à des herbicides spécifiques. Que produira sur notre organisme l'ingestion de tels produits ?

Les projets d'avenir portent sur l'amélioration de la qualité des plantes sur les plans agronomique et nutritionnel. Des éléments nutritifs manquent à certaines plantes qui sont à la base de la nourriture de certaines populations. Le but final sera d'améliorer la qualité nutritionnelle de ces plantes ce qui permettrait d'agir sur la santé humaine (comme on l'a vu pour le riz doré ). Est-ce dans chaque cas une réalité ou une fiction entretenue par des multinationales?

Questions auxquelles il n'est pas toujours possible aujourd'hui de répondre de façon précise, mais auxquelles les chercheurs s'emploient en attaquant les problèmes sous divers angles:

  • L'évaluation des effets possibles des aliments génétiquement modifiés sur la nutrition humaine ;
  • La dégradation des OGM au cours de la digestion ;
  • Quels sont les dangers potentiels ?
  • Les risques d'allergie ;
  • Les effets potentiels de l'utilisation d'ADN viral végétal sur la santé humaine ;
  • L'évaluation de la sécurité alimentaire des produits génétiquement modifiés (GM).

**L'évaluation des effets possibles des aliments génétiquement modifiés (GM) sur la nutrition humaine


Aujourd'hui, il n'y a aucun aliment génétiquement modifié destiné à l'amélioration nutritionnelle sur le marché. Des recherches sont en cours pour l'évaluation optimale des effets que pourraient avoir de tels types d'aliments.

Ces recherches devraient tenir compte :

  • des effets de petits changements qui seraient dus à la consommation d'aliments GM, dans un régime alimentaire équilibré ;
  • des effets potentiels sur la santé de sous-groupes de la population, comme le sous­groupe qui aurait une consommation particulièrement importante de ce type d'aliment ;
  • de la composition de ce nouveau type d'aliment, de sa préparation et de son rôle attendu dans le régime alimentaire. Le nouvel aliment GM est ainsi comparé à l'aliment traditionnel, et toute différence entre les deux est évaluée ;
  • des implications nutritionnelles qui sont évaluées aux niveaux de consommations 'normale' et 'maximale' ;
  • des effets du stockage, de traitements, de la cuisson sur la composition en nutriments de ces produits GM ;
  • des caractéristiques physiologiques et morphologiques des nourrissons, des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes ou allaitant, et des personnes souffrant de maladies chroniques.

Les recherches doivent s'effectuer d'abord sur des animaux (observation de changements aux niveaux du foie, des reins, des poumons, du cerveau et des organes cardiovasculaires), avant d'étudier leurs effets chez l'Homme (mesures de l'état de santé générale, du développement et du bien-être des personnes). Des réglementations sur l'étiquetage de ces aliments GM destinés à l'amélioration nutritionnelle, sont en cours de négociation.

 

**La dégradation des OGM au cours de la digestion


Dans l'alimentation, les OGM se présentent sous deux formes principales :

  • Les produits frais (fruits et légumes): les gènes modifiés sont directement soumis aux enzymes digestives ;
  • Les produits transformés ou dérivés (concentré de tomates, farine, sucre...): le procédé de fabrication peut dénaturer les molécules (transgéniques ou non).

La dégradation des OGM comme de tous les aliments, se fait de deux manières dans le tube digestif :

  • de facon mécanique par la mastication, le brassage dans l'estomac ;
  • de facon chimique sous l'effet des enzymes digestives qui dégradent les aliments et les transforment en composés simples (acides aminés, acides nucléiques, sucres...).

Après ces traitements chimiques et mécaniques, il est très peu probable qu'une molécule reste fonctionnelle dans l'organisme après digestion. Pour savoir si toutes ces dégradations suffisent à détruire une molécule transgénique, des tests de survie gastrique et intestinale, ont été proposés. Ceux-ci posent des problèmes pratiques majeurs :

  • Il faut disposer d'une grande quantité de molécules pour faire ces tests. Or il est difficile d'en extraire assez à partir de la plante ;
  • Par ailleurs, les modifications des protéines, que l'on pourrait observer, dépendent de l'hôte ce qui peut modifier leur toxicité ;
  • Enfin, dans la réalisation de ces tests, on ne prend pas toujours en compte les personnes à capacité digestive réduite (personnes âgées, enfants) qui sont pourtant plus sensibles aux intoxications.

**Quels sont les dangers potentiels ?


Beaucoup de gènes de résistance aux insectes agissent en perturbant les fonctions digestives du parasite. Or certains d'entre eux, comme les inhibiteurs enzymatiques sont résistants à l'hydrolyse dans le tube digestif de l'insecte. On peut imaginer que par le même mécanisme ils pourraient induire des effets similaires chez les mammifères :

  • Une perturbation du système digestif ;
  • Une modification de la toxicité de la plante: Il se peut que le gène, introduit, ne produise pas de substance toxique, mais qu'il perturbe le fonctionnement de la plante, ce qui pourrait entraîner la production d'une nouvelle substance toxique ou l'augmentation de la production de certaines protéines toxiques déjà existantes (tomatine de la tomate, solanine de la pomme de terre) ;
  • Une augmentation de la résistance des microorganismes aux antibiotiques serait un autre danger potentiel pour l'homme

**Les risques d'allergie


Actuellement, on considère que 1 à 2% des adultes et 6 à 8% des enfants sont allergiques à un des huit groupes d'aliments allergéniques (crustacés, noix, œufs, poissons, lait, arachide, soja, blé). Les OGM risquent-ils d'augmenter ces chiffres ?

On ne peut pas prévoir combien d'individus seront allergiques à des nouvelles molécules.

On peut cependant prendre certaines précautions :

  • comparer les nouvelles molécules aux substances allergisantes déjà connues ;
  • ne pas utiliser de plantes connues pour être allergènes comme source de nouveaux gènes ;
  • garantir des normes rigoureuses, tout en sachant que le risque zéro n'existe pas ;
  • faire des tests d'allergie sur les animaux.

**Les effets potantiels de l'utilisation d'ADN vital végétal sur la santé humaine


Il existe deux types de séquences d'ADN viral végétal utilisées communément pour la construction des gènes à insérer dans les plantes GM :

  • le promoteur, qui est nécessaire pour amorcer l'expression du gène inséré et qui est habituellement le promoteur dérivé du virus de la mosaïque du chou-fleur ;
  • la séquence incluant les gènes qui codent pour la création de l'enveloppe externe protéique des virus, et qui une fois exprimée dans la plante hôte, va donner des protéines qui gêneront les autres virus infectant la plante.

Ceci confère ainsi une résistance à la plante hôte. Aujourd'hui, aucune plante GM avec le deuxième type de séquence n'est commercialisée. Cette introduction d'ADN viral dans une plante ne s'est pas faite sans questionnement: il a été suggéré, que l'introduction de séquences d'ADN viral dans les plantes GM pourrait produire de nouveaux virus par recombinaison, ou « échange génétique », avec :

  • soit des résidus de séquences d'ADN viral qui sont présents dans les génomes de toutes les espèces,
  • soit des virus naturels animaux ou végétaux infectieux.

Il existe, cependant, des barrières naturelles aux recombinaisons et surtout des barrières génétiques entre les mondes végétal et animal. Il est pratiquement impossible qu'un virus végétal infecte un animal et donc l'homme. Il est dit que la modification génétique pourrait activer des éléments transposables qui sont déjà présents dans le génome humain.

Les éléments transposables étant mobiles, ils sont capables de s'insérer dans les gènes hôtes et ainsi de les endommager, ce qui pourrait induire des effets pathologiques comme des tumeurs. Il existe des preuves que ces éléments transposables ( ils représentent jusqu'à 40% de l'ADN total des animaux et végétaux supérieurs) ont été répétitivement transférés entre différentes espèces pendant l'évolution. Ainsi, il semble improbable que la mobilisation accidentelle d'éléments transposables pendant la construction et l'utilisation de plantes GM pourrait avoir un impact important sur la biologie humaine, animale ou végétale, si l'on compare avec ce qui se passe normalement dans les conditions naturelles. La conclusion de cette étude est que les risques des plantes GM sur la santé humaine sont négligeables.

 

**L'évaluation de la sécurité alimentaire des produits génétiquement modifiés (GM)


En 1993, la « Organisation for Economic Co-operation and Development » (OECD) a publié les découvertes d'un groupe de recherche qui ont introduit la notion d'équivalence en substance afin de développer les moyens d'évaluer la sécurité des aliments GM. Cette notion dit que les aliments GM peuvent être prouvés équivalents à des aliments naturels. Les plantes GM pourraient ainsi être évaluées «saines» pour la santé humaine en les comparant avec leur analogue conventionnel. La plante naturelle est ainsi considérée comme le contrôle. La FAO/WHO identifie trois résultats d'une telle comparaison entre aliment GM et aliment traditionnel, qui sont ainsi utilisés pour l'évaluation sanitaire d'un produit GM :

  • L'aliment GM peut être considéré toxicologiquement et nutritionnellement comme équivalent en substance à l'aliment conventionnel. Par exemple, l'huile issue d'une plante GM est équivalente en substance à l'huile de la même plante naturelle, car dans l'huile il n'y aucune trace d'ADN ni de protéines détectables. Si on parvient à montrer une telle équivalence pour des aliments GM, aucune autre évaluation sanitaire n'est nécessaire.
  • Il est possible qu'il y ait équivalence en substance à part pour quelques différences. Parfois, les aliments GM comprennent des composés délibérément introduits par modification génétique. Dans ce cas, on limite l'évaluation sanitaire à l'examen des effets possibles de ces différences sur les plantes ou l'homme.
  • Le produit GM peut être considéré comme non équivalent en substance. Ce produit GM devra être soumis à une évaluation sanitaire précise.Pour le moment, les évaluations sanitaires des produits GM prennent en compte la procédure de modification génétique (séquence d'ADN et site d'intégration dans la plante hôte), les paramètres nutritionnels (information phénotypique et composition chimique), les risques d'allergie et des évaluations toxicologiques.
  • Réglementation et traçabilité : le principe de précaution

Par Dominique Lecourt, Professeur de philosophie à l'Université de Paris VII et Délégué général de la Fondation BioVision de l'Académie des Sciences (1)


C'est en Allemagne, à la fin des années 60 du siècle dernier sous le nom de Vorsorgeprinzip, à propos de problèmes d'environnement que le principe de précaution est pour la première fois formulé. Son accession à la notoriété internationale coïncide avec la Déclaration de Rio au Sommet de la Terre en juin 1992. Il entre dans le droit de la Communauté Européenne avec le Traité de Maastricht en 1992 (Article BOR) puis celui d'Amsterdam au titre d'un principe qui gouverne les politiques d'environnement de l'Union.

Le 2 février 1995, la loi Barnier l'inscrit dans le droit français sur la protection de l'environnement. Elle le présente comme le principe « selon lequel l'absence de certitudes compte-tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement, à un coût économiquement acceptable ».

Le Conseil d'Etat donne en 1998 cette définition précise: « Ce nouveau concept se définit par l'obligation pesant sur le décideur public ou privé de s'astreindre à une action ou de s'y refuser en fonction du risque possible. Dans ce sens, il ne lui suffit pas de conformer sa conduite à la prise en compte des risques connus. Il doit, en outre, apporter la preuve, compte tenu de l'état actuel de la science, de l'absence de risque ».

Les premières formulations du principe apparaissent ainsi strictement liées aux questions d'environnement. Elles mettent l'accent sur l'absence de certitudes concernant les risques qu'il faut éviter de prendre. Il s'agit d'un principe d'action publique qui autorise les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires pour faire face à ces risques - lesquels ne sont point avérés, mais éventuels (2).

Mais de proche en proche - et très rapidement - le principe de précaution s'est étendu à des domaines de plus en plus éloignés de l'environnement. Le cas des OGM a permis de passer de l'environnement à la santé. L'excellent rapport remis au Premier ministre, le 15 octobre 1999, par Philippe Kourilsky et Geneviève Viney (3) dit: «Le principe de précaution doit s'imposer à tous les décideurs ». Il s'agirait d'un nouveau principe de responsabilité s'appliquant à« toute personne qui a le pouvoir de déclencher ou d'arrêter une activité susceptible de présenter un risque pour autrui ».

Prise au pied de la lettre, cette définition de portée universelle ne comporte-t-elle pas le risque d'une banalisation du principe? Bruno Latour sarcastique écrit un article dans Le Monde daté du 4 janvier 2000 qui commence par ces mots: « Invention aussi utile que fragile, le principe de précaution va, si nous n'y prenons pas garde, se banaliser au point de se confondre avec la simple prudence ». Et il achève cette entrée en matière par ces mots: « Non décidément s'il fallait un synonyme à la prudence, ce n'était pas la peine d'inventer un terme aussi pédant - "faire gaffe" aurait bien suffi ». Avec l'invention du principe de précaution, il s'agit en fait, affirme-t-il, de quelque chose de plus sérieux, de plus nouveau, que de la réactualisation d'une sagesse millénaire.

Latour réplique ici implicitement à Jean-Jacques Salomon (4) qui défendait l'idée que la « précaution » ne serait que la version moderne de la « prudence » aristotélicienne.

Dans l'Ethique à Nicomaque, Aristote (384-322 av. JC) développait une conception de la phronèsis - traduite par Cicéron (106-43 av. JC) en latin par prudentia - en référence à providentia - comme capacité de délibérer sur les choses contingentes. Elle correspond à la vertu de la partie calculative ou opinative de l'âme et se distingue en cela de la science. Disposition pratique en tant qu'elle vise l'action plutôt que la production, elle concerne la règle du choix et non le choix lui-même: elle se distingue, comme vertu intellectuelle, de la vertu morale. Ainsi « la prudence est une disposition, accompagnée de la règle vraie, capable d'agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour un être humain» (VI. 1140 b). Elle enveloppe une sorte d' «intellectualisme existentiel ». Conception rapidement supplantée par celle des stoïciens: « science des choses à faire ou à ne pas faire », reprise et transformée par la définition d'Emmanuel Kant (1724-1804) de la Klugheit : « l'habilité dans le choix des moyens qui nous conduisent à notre plus grand bien-être ».

Ce rappel des définitions classiques de la prudence montre bien que la notion de précaution ne peut que s'y diluer lorsqu'on veut l'y réduire. La notion philosophique de prudence ne permet pas de saisir un aspect essentiel de la notion de précaution. Lequel est constitué par la notion d'incertitude du savoir sur un risque non avéré. En quoi la précaution n'est pas la prévention qui porte sur un risque assuré - et donc assurable.

Si l'on a éprouvé le besoin d'avoir recours soudain au mot de précaution, c'est parce que la notion de « certitude » avait partie liée avec la conception classique de la science et de ses rapports avec ses « applications ». L'usage de la notion de précaution prend acte de ce que le socle même de la conception moderne du rapport entre science et action se trouve mis en péril du fait de la dite situation d'« incertitude» où se trouvent les décideurs quant à la réalité et à la gravité des risques encourus.
 Cette conception a été formulée - mieux que par tout autre - par Auguste Comte (1798-1857). Notre polytechnicien philosophe, l'un des premiers à avoir réfléchi sur le statut des ingénieurs modernes dans son célèbre Cours de philosophie positive (1830­ - 1842), avait l'art des formules. Il croyait à la valeur pratique de la philosophie. Il n'hésitait pas à frapper des maximes et des devises. L'une de ses plus célèbres figure dans la deuxième leçon de son Cours. « Science d'ou prévoyance; prévoyance, d'où action: telle est la formule très simple, écrit-il, qui exprime, d'une manière exacte, la relation générale de la science et de l'art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale ». Formule inspirée du Novum Organum (5) de Francis Bacon (1561-1626) dont on retrouve l'écho fidèle dans la politique positive: « savoir pour prévoir, afin de pourvoir ».

Cette maxime introduit un terme étrangement absent de toutes les discussions actuelles sur le principe de précaution: la prévoyance. Or cette prévoyance vient, sous la plume de Comte, doubler le terme de prévision. Il entend ainsi régler, mais sans vraiment bien la poser, la question du rapport de la science et de l'action. Car de la prévision à la prévoyance, il y a plus qu'un pas. De l'une à l'autre, on constate un véritable changement d'attitude: la prévision - qui selon Comte découle de la science ­suppose une attitude passive: on s'attend à ce que des événements se produisent. La prévoyance, consiste au contraire à prendre activement les devants, en faisant à l'occasion des provisions.

Le secret de la conception moderne de la science se trouve ainsi mis à jour: on a fait comme si la prévision impliquait la prévoyance. Comme si de prévoir à pourvoir se maintenait la continuité d'un même voir.

Les questions d'environnement ont maintenant fait apparaître que cette logique pouvait être prise en défaut. Que la conception positiviste prévalente de la science devrait elle-même être réinterrogée. Le caractère propre de la démarche scientifique réside-t-il dans la prévision rationnelle des événements ? Et non plutôt dans la rectification des mise en œuvre ? La certitude ne désigne-t-elle pas l'illusion que certains résultats obtenus pourraient jouer le rôle de garantie absolue de validité pour l'ensemble des présupposés dont leur acquisition s'avère toujours tributaire ? Peut-on dire que la science ait pour destination de pourvoir au bonheur des êtres humains? Quel sens y a-t-il même à parler de destination en cette matière, sinon par illusion de maîtrise absolue ? La quelle peut se retourner, à l'occasion en simple fatalisme.

On ne se contente cependant pas de parler de « la précaution » comme substitut moderne de la prudence, on en fait l'objet d'un principe. Mais en quel sens dit-on que le principe de précaution est un principe ? La majorité des philosophes gardent un silence visiblement embarrassé sur ce point (6).

Outre un sens scientifique, ici hors champ, la notion de principe a un sens moral attesté par de grande œuvres (7). Il désigne alors un énoncé fondamental qui apparaît comme source du système des normes admises. C'est d'abord vers ce sens moral que semble faire signe le « principe de précaution ». Ce en quoi il fait écho direct au fameux « principe responsabilité » avancé par le théologien et philosophe allemand Hans Jonas (1903-1993) en 1979 (8). La cible de Jonas était constituée par les thèses progressistes optimistes du philosophe allemand Ernst Bloch (1885-1977) théoricien de 1'« utopie concrète» dans son monumental « principe espérance », Das prinzip hoffnung (9). Que disait Jonas? Que « nulle éthique antérieure n'avait à prendre en considération la condition globale de la vie humaine ainsi que l'avenir lointain et l'existence de l'espèce elle-même ».

La puissance sans précédent de la technè actuelle et l'extension de la diffusion désormais universelle des techniques se révèlaient telles que l'humanité aurait acquis un pouvoir exorbitant: celui de rendre la Terre inhabitable. « L'action a lieu dans un contexte où tout emploi à grande échelle d'une capacité engendre, en dépit de l'intention droite des agents, une série d'effets liée étroitement aux effets «bénéfiques » immédiats et souhaités, série qui aboutit, au terme d'un processus cumulatif à des conséquences néfastes dépassant parfois de loin le but recherché ».

La question posée serait donc celle de la maîtrise (éthique) de la maîtrise (technique). Apparaît ainsi, affirme Jonas, une nouvelle dimension de la responsabilité. Celle-ci ne doit plus être conçue comme l'imputation d'un sinistre à un acte passé, mais comme un engagement à l'égard de l'avenir. Cette responsabilité devant les « générations futures» demande qu'on agisse sans tarder. «De façon que les effets de l'action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur Terre ». De là, cette « heuristique de la peur » qui s'ingénie à conjurer la menace imminente d'une catastrophe humaine et planétaire qu'envelopperait la supposée toute puissance de la technique.

On voit ce qui rapproche le principe de précaution du principe responsabilité: le souci de l'avenir et des dommages non-intentionnels irréversibles qui affecteraient l'humanité en tant que telle du fait de sa maîtrise technique. Mais on voit aussi ce qui l'en distingue. Le principe de Jonas est bien un principe éthique qui table sur une certaine idée de « la vie authentiquement humaine » - idée que Jonas soutient de sa position théologique propre. De son côté, sauf à le banaliser en principe de prudence, le principe de précaution ne peut être tenu pour un principe éthique qui s'adresserait à chacun.

François Ewald (10) a plusieurs fois insisté sur la restriction nécessaire de l'usage au domaine de l'action publique. «Le principe de précaution, écrit-il, étend ce qu'en droit public on appelle les "pouvoirs de police" de l'administration. Aux termes du principe de précaution, l'Etat peut suspendre une grande liberté alors même qu'il ne peut pas appuyer sa décision sur une certitude scientifique. Cela accroît d'autant le pouvoir de décision en opportunité de l'administration, non sans comporter de grands risques d'arbitraire »... De ce point de vue, le Traité de Maastricht comporte une contradiction interne dès lors qu'il introduit le principe de précaution dans le droit européen au moment même où il réaffirme le principe des grandes libertés de circulation liées au marché unique.

Ce n'est donc ni un principe éthique ni même un principe qui pourrait s'adresser à « tous les décideurs », mais seulement à ceux qui engagent par leurs décisions la communauté des citoyens au sens le plus large du terme. Il s'agit d'un principe de politique publique. Il s'adresse aux responsables politiques qui ont à prendre des décisions en situation d'incertitude sur les risques: qu'il s'agisse de leur existence, de leur nature et de leur gravité. Les « affaires» du sang contaminé comme la crise de la vache folle ont attiré l'attention sur ce type de risques et le discernement qu'ils réclament des pouvoirs publics.

S'il en est ainsi on comprend sans doute mieux les raisons du succès de ce principe. A une époque où les Etats (aussi bien que les organisations publiques super­ étatiques) semblent perdre le contrôle des décisions qui façonnent notre monde ­lesquelles se prennent de plus en plus dans la sphère économique et spécialement sur les marchés financiers - ne s'agit-il pas de la réaffirmation pathétique ou en tout cas désespérée d'une exigence de pouvoir sinon des Etats, du moins des instances politiques ? Le fameux principe de s'affirme-t-il pas contre l'idée ultra-libérale que la politique serait perturbation, parasitage, du libre jeu de lois économiques en définitive toutes bénéfiques?

Mais il est sans aucun doute un autre sens du principe de précaution, beaucoup moins noble, qui permet d'expliquer aussi l'incroyable engouement dont il est actuellement l'objet. Un sens que n'a pas manqué de relever Claude Allègre dans son Ephéméride virulent de L'Express, du 16 novembre 2000, titré «Précaution, piège à ... ». A un moment où la judiciarisation de la vie publique gagne chaque jour, le principe de précaution exprimerait la peur des hommes politiques et des administrateurs de la science d'assumer leurs responsabilités. En ce sens, il menacerait à terme de paralyser la vie publique ainsi que la recherche scientifique.

On en donnera pour preuve l'usage très regrettable du dit principe non pour éclairer les situations où l'on dit l'appliquer, mais pour jeter un voile sur les questions réelles qui s'y posent. Dans le cas de la «vache folle », il y avait certes des décisions à prendre «en situation d'incertitude », comme on le dit. Le prion constituait une énigme pour la recherche fondamentale; on croyait la barrière entre espèces infranchissable. Mais se sont également produites de très prosaïques et vulgaires fraudes de la part d'un certain nombre d'entreprises de l'agroalimentaire, notamment britanniques, dont il ne faudrait pas esquiver la réalité ou estomper la gravité par l'invocation pompeuse et rétroactive du dit principe ainsi que des difficultés de son application.

Ce qui s'exprime en définitive à travers l'invocation et la fortune du principe de précaution, c'est la délicate question de la maîtrise intellectuelle collective des risques à prendre (ou à refuser). Cette question met visiblement à l'épreuve les formes existantes de la démocratie. Au mois de juin 1998, l'Office parlementaire s'est ainsi saisi des questions essentielles pour l'avenir de nos sociétés. A force de confier ce type de questions à des Comités de sages, l'idée tendait à s'imposer que les parlementaires ne sont utiles qu'à relayer des intérêts locaux ou des revendications de lobbies. L'initiative de l'Office était donc excellente, mais on peut craindre que la procédure utilisée ne se retourne contre l'intention initiale, qu'il n'y ait là un empiètement nouveau de l'univers des médias et de la publicité sur le terrain politique. Pourquoi les représentants du peuple représenteraient-ils moins bien le peuple qu'un échantillon de citoyens «panelistes »(11) ? Les parlementaires français ont fait la preuve dans le passé qu'ils étaient capables de réaliser par eux-mêmes des travaux remarquables sur des questions très difficiles. Le processus d'élaboration et d'adoption de la loi Veil ou celles des lois sur la bioéthique ont donné un exemple convaincant.

Dans quelle mesure le nouveau pouvoir conquis par les biologistes sur la nature peut-il contribuer au bien commun? Quel intérêt présente-t-il pour la communauté des citoyens ? Théoriquement, ce sont les élus de la nation qui sont les mieux placés pour poser ce genre de questions. Justement parce qu'en bonne doctrine républicaine, ils sont les élus, non de tel ou tel groupe, ni de telle ou telle circonscription, mais du peuple tout entier qui sait d'expérience comment des intérêts particuliers trouvent à se faire passer pour l'intérêt général.

Les électeurs pour leur part n'y connaissent rien en ces matières? Et pourquoi ne seraient-ils pas capables de s'informer autant que l'échantillon convoqué? Surtout à chaud dans un processus électoral où un grand nombre d'entre eux garde encore le sentiment de pouvoir peser sur leur destin individuel et collectif. Mais admettons qu'il y ait là une indéniable difficulté. La solution doit sans doute être cherchée dans l'éducation et la culture. Comment ne pas souhaiter que les programmes apportent aux élèves les connaissances fondamentales nécessaires pour accéder à de tels débats? Si nous nous sentons terriblement démunis aujourd'hui, cela tient pour une grande part à ce qu'était l'enseignement de la biologie dans notre jeunesse. Mais un enseignement scientifique bien conçu ne suffit pas. Nous avons la chance, en France, d'avoir hérité d'un enseignement philosophique qui, en classe terminale, touche le plus grand nombre des élèves. Ce pourrait être le rôle des professeurs de philosophie associés à leurs collègues d'initier les élèves aux différentes conceptions de la cité et de la communauté humaine, de la science et de la technique qui éclairent la logique des arguments avancés par les uns et les autres.


1 Professeur de philosophie à l'Université de Paris VII et Délégué général de la Fondation BioVision de l'Académie des Sciences, Dominique Lecourt a notamment dirigé le Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences (PUF, 1999). Il est l'auteur du rapport au Ministre de l'Education Nationale sur L'enseignement de la philosophie des sciences (2000) et vient de publier le «Que sais-je ? » sur La philosophie des sciences (PUF,2001).
2 Catherine et Raphaël Larrère, «Les OGM, entre hostilité de principe et principe de précaution », in Cités n° 4, PUF, 2000.
3 Philippe Kourilsky et Geneviève Viney, Le principe de précaution, (Odile Jacob, 2000).
4 Jean-Jacques Salomon, Survivre à la science.. une certaine idée du futur (Albin Michel, 1999).
5 Francis Bacon, Novum Organum (1620, réed. trad. et introd. Malherbe et Pousseur, PUF, 1986).
6 Dominique Bourg, Parer aux risques de demain.. le principe de précaution (Seuil, 2000).
7 Voir en particulier George Edward Moore, Principia Ethica (1903, réed. Cambridge University Press, 1968).
8 Hans Jonas, Le principe responsabilité.. une éthique pour la civilisation technologique (trad. franç.Ed. du Cerf, 1990).
9 Ernst Bloch, Le principe espérance (1953 à 1959, trad. franç. Gallimard, tome 1 1976, tome 21982).
10 François Ewald, Christian Gollier, Nicolas de Sadeleer, Le principe de précaution (PUF/Que sais­ je 7, 2001).
11 Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs (1998, réed. Gallimard/Folio, 1999).

 

 

Par Daniele Franzone (Directeur Général de l'Environnement à la Commission Européenne)


 La Commission salue l'initiative de cette conférence, organisée par le Ministère de l'environnement de la Slovénie et l'Ambassade de France dans cet Etat. Cette conférence, qui s'inscrit dans la coopération bilatérale entre ces pays, acquiert une signification particulière en vue de l'adhésion - de plus en plus proche - de la Slovénie à l'Union européenne. Il importe, en effet, que dès l'adhésion tout nouvel Etat membre ait adapté sa législation à l'acquis communautaire et soit à même d'y donner un plein effet. Notamment dans l'optique du marché intérieur, l'enforcement est aussi essentiel que l'adaptation législative. L'enforcement présuppose aussi une coopération étroite entre les autorités publiques du nouvel Etat membre et les stakeholders. Ainsi, toute initiative visant à favoriser une meilleure connaissance de la législation communautaire dans les pays candidats contribue à son application effective, le moment venu. Par ailleurs, l'expérience acquise dans un Etat membre actuel peut aider les pays candidats à mieux se préparer à l'adhésion et à relever les défis futurs.

Le thème de cette conférence, les organismes génétiquement modifiés (OGM), fait partie d'un domaine plus vaste: les sciences du vivant et la biotechnologie. On s'accorde à reconnaître que les sciences du vivant représentent, après les technologies de l'information, la prochaine vague de l'économie de la connaissance, créant de nouvelles possibilités pour nos sociétés et nos économies. Elles soulèvent aussi d'importantes questions politiques, sociales et éthiques qui ont donné lieu à un large débat qui est loin d'être clos.

Ce débat est un signe de la vitalité et de la richesse de nos sociétés, toutefois trop souvent il s'est focalisé sur les OGM, peut-être en raison de leur utilisation pour l'alimentation humaine et animale, et sur certaines questions de nature éthique. Les sciences du vivant et la biotechnologie vont bien au-delà des OGM. Elles permettent d'adopter des approches nouvelles et innovantes dans le domaine des soins de santé à l'échelle mondiale pour répondre aux besoins d'une population vieillissante et des pays pauvres. Par ailleurs, elles peuvent offrir de nouveaux moyens pour protéger l'environnement, notamment la bioréhabilitation de l'air, des sols, de l'eau ou le développement de procédés industriels plus propres reposant, par exemple, sur l'utilisation des enzymes.

Consciente des enjeux économiques et de société, la Commission européenne a adopté le 23 janvier 2002 la communication "Sciences du vivant et biotechnologie - une stratégie pour l'Europe", dans laquelle elle développe son analyse et présente un Plan d'action, consistant dans des mesures précises impliquant dans bien des cas une pluralité d'acteurs: Commission, Etats membres, Institutions communautaires, opérateurs professionnels, société civile. Je voudrais citer un passage de cette communication pour bien mettre en exergue les enjeux: "L'Europe se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins: nous devons élaborer activement des politiques responsables dans une perspective mondiale tournée vers l'avenir, ou (bien) nous serons confrontés aux politiques définies par d'autres, en Europe et dans le monde. ... La Commission pense que le choix politique de l'Europe consiste à savoir non pas s'il convient de répondre aux défis posés par les nouvelles connaissances ..., mais comment y répondre".

 

Cette communication est à l'examen des autres Institutions communautaires, le Comité économique et social ayant adopté son avis à la mi-septembre 2002. La question intéresse aussi l'opinion publique qui, dans l'esprit des principes de la gouvernance européenne, est appelée à jouer un rôle majeur quant aux décisions politiques futures.

La communication parle d'une stratégie pour l'Europe, et pas simplement pour la Communauté. Dans la perspective de l'adhésion, les pays candidats et leurs sociétés sont appelés à contribuer à la définition de cette politique, qui nous concerne tous.

Pour revenir aux OGM, thème de cette conférence, il importe de souligner les lignes directrices de la réglementation communautaire:

  • Conformément à l'approche suivie pour les domaines où une autorisation préalable est requise pour la mise sur le marché, l'autorisation n'est accordée qu'après une évaluation scientifique approfondie des risques qui conclut à l'absence de danger pour la santé et l'environnement.
  • Au cas où les éléments scientifiques seraient insuffisants, incertains ou non concluants et des risques éventuels seraient jugés inacceptables par les décideurs politiques, les mesures de gestion des risques devraient reposer sur le principe de précaution.
  • Les procédures doivent être transparentes et prévoir non seulement l'information du public, mais aussi sa participation dans le processus d'autorisation. Autrement dit, le public doit être informé de la demande soumise (et de ces pièces essentielles) et de l'évaluation scientifique en vue de pouvoir donner son avis sur l'autorisation requise. Ceci vaut aussi bien pour la mise sur le marché des OGM que pour leur utilisation à des fins de recherche et développement.
  • Les exigences réglementaires doivent être proportionnelles au risque identifié et être conformes aux obligations internationales de la Communauté. Il s'agit de parvenir à un juste équilibre entre les exigences de protection de la santé et de l'environnement, d'un côté, et l'intérêt de la recherche et de l'industrie à ne pas être soumis à des contraintes inutiles et bureaucratiques.

Il n'appartient pas à l'autorité publique (et au décideur politique) d'être en faveur ou contre les OGM. Elle doit assurer que le processus d'autorisation respecte les principes, que je viens d'énoncer, de sorte que le consommateur puisse exercer son choix, en fonction de son appréciation personnelle. Ce qui postule un autre aspect: par le biais d'un étiquetage fiable et facile à comprendre, le consommateur doit savoir si le produit qu'il achète contient des OGM ou est issu d'OGM.

Face aux réticences et aux préoccupations de l'opinion publique, désorientée aussi par les crises de la "vache folle" (EBS) et de contamination des aliments par la dioxine, la réglementation communautaire a évolué afin de se conformer aux lignes directrices ci­dessus.

 


Les cas de "vache folle" dans l'Union européenne
Crédits : Cité des sciences

Les deux mesures majeures sont les suivantes:

  • La révision profonde de la directive 901219/CEE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (MGM), par la directive 98/8l/CE du 26 octobre 1998; cette directive assure une harmonisation minimale à l'échelle communautaire et permet aux Etats membres de prévoir des règles de protection de la santé ou l'environnement plus strictes;
  • L'abrogation à partir du 17 octobre 2002 de la directive 901220/CEE relative à la dissémination volontaire dans l'environnement d'OGM et son remplacement par la directive 200l/18/CE. Il n'est pas possible de mentionner ici toutes les innovations introduites par cette directive. Il suffit de rappeler la plus grande harmonisation des principes relatifs à l'évaluation scientifique des risques, la participation du public à la procédure d'autorisation, la surveillance obligatoire après la mise sur le marché ('monitoring?, la durée limitée de l'autorisation et de son renouvellement éventuel, la prévision de délais tout au long des phases de la procédure. Les caractéristiques de la directive 200l/18/CE ont été ainsi résumées: cadre harmonisé, fondé sur la science, transparent et prévisible. Cette directive prévoit que de nombreuses mesures d'application soient adoptées par une procédure simplifiée (dite, dans le jargon communautaire, de "comitologie").

La Commission européenne a aussi présenté des propositions législatives en vue de parachever le cadre législatif en matière d'OGM. Ainsi, trois propositions sont à l'examen des autres Institutions communautaires:

  • La proposition de règlement concernant la traçabilité et l'étiquetage des OGM et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'OGM (COM(2001) 182 final du 25 juillet 2001). Cette proposition vise à compléter les dispositions contenues dans la directive 200l/18/CE et à définir un cadre harmonisé à l'échelle européenne en matière de traçabilité et étiquetage;
  • La proposition de règlement concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (COM(2001) 425 final du 25 juillet 2001). Dans le respect de la directive "horizontale" 200l/18/CE, cette proposition vise à établir des règles spécifiques pour l'autorisation de ces produits; à partir de la date de son application, les autorisations relatives à ces produits - et à eux seuls - ne seront régies que par les dispositions de ce règlement;
  • La proposition de règlement relatif aux mouvements transfrontières des OGM (COM(2002) 85 final du 18 février 2002). Cette proposition vise à mettre en oeuvre dans le cadre juridique communautaire le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques. En effet, il importe de donner un plein effet à ce Protocole, que la Commission et les Etats membres considèrent comme un élément majeur au niveau multilatéral. La proposition concerne essentiellement l'exportation d'OGM vers des Etats non membres. Dans le respect du Protocole, les mouvements intra-communautaires continueront à être soumis aux règles communautaires actuelles et futures.

Une dernière remarque: au moment de l'adhésion les nouveaux pays membres devront appliquer l'acquis communautaire, tel que résultant à ce moment, à moins que des règles transitoires spécifiques ne figurent dans l'Acte d'Adhésion lui-même. A ce jour, cet acquis est constitué des mesures législatives ou réglementaires que j'ai évoquées ainsi que des dix-huit produits OGM autorisés dans le cadre de la directive 901220/CEE. D'autres mesures viendront s'ajouter avant la date d'adhésion. Une coopération entre les pays candidats, la Commission et les Etats membres actuels permettra de réduire au maximum les difficultés et les incertitudes qui pourraient apparaître.

 

 

L'INCERTITUDE, DÉNOMINATEUR COMMUN DE L'ÉVALUATION DU RISQUE ET DU BÉNÉFICE DE L'UTILISATION DES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Par Marjana Dermelj, Fondation slovène pour le développement durable


**Principe de confiance dans la science et principe de précaution


Les scientifiques, de même que les hommes politiques, soulignent souvent que les décisions liées à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) doivent être fondées sur le principe de confiance dans la science (sound science). Nous savons pourtant que le savoir est limité et que, par conséquent, les surprises dans l'utilisation des nouvelles technologies sont inévitables. Dans l'évaluation des bénéfices et des coûts liés à l'introduction de celles-ci, la science est confrontée à une difficulté fondamentale. En effet, nous savons peu de choses sur cette problématique et la science, quant à elle, n'est pas unanime sur le savoir conquis. En outre, maints problèmes existent dont nous ignorons même l'existence. Ainsi, au début de l'utilisation des nouvelles technologies, la science n'a pu ni prévoir ni signaler par exemple la formation du trou dans la couche d'ozone, la soudaine apparition de la maladie de la vache folle et d'autres problèmes similaires.

Dans l'utilisation et le développement des organismes génétiquement modifiés, la question se pose aussi de savoir comment se décider quant à leur usage si, face aux pressions économiques, nous tenons compte à la fois du principe de précaution et de l'incertitude. La science ne peut offrir de réponses définitives; pour cela, il est possible que la politique, qui se fonde uniquement sur le principe de confiance dans la science, ne soit elle-même pas digne de confiance. Les questions éthiques sont donc au coeur du problème.

 

Le devoir d'empêcher des dégâts environnementaux est basé sur un risque connu, tandis que le concept de précaution, lui, est fondé sur "le manque de certitude". L'application du principe de précaution et en cela la reconnaissance de l'incertitude, constitue donc une des possibilités de réduire le risque dans l'utilisation des nouvelles technologies et aussi des organismes génétiquement modifiés. Ce principe n'est pas une opposition aveugle aux innovations, il reconnaît par contre les limites inévitables de nos connaissances, ce qui devrait mener à une plus grande modestie dans l'évaluation du niveau de la science et exiger une vigilance et une réflexion accrues dans les prises de décision. Nombre de scientifiques craignent que les initiatives soutenant l'application du principe de précaution dans les prises de décision signifient de fait la fin des recherches. Mais il semble que cela soit justement le contraire, car suivre ce principe peut entraîner automatiquement de nouvelles recherches susceptibles elles-mêmes de réduire les facteurs d'incertitude quant à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés.

Le problème de la science n'est pas seulement l'incertitude et/ou le manque de savoir sur le non-savoir; il est aussi un nombre insuffisant d'approches interdisciplinaires pour l'étude de problèmes particuliers. La plupart des recherches, et par conséquent des décisions politiques, continue à se fonder sur une approche réductionniste et anthropocentrique. Les organismes génétiquement modifiés en sont précisément un exemple. Dans le génie génétique, les gènes représentent des cubes Lego avec lesquels il est possible de construire n'importe quelle structure de la vie. Une telle approche ne tient pas compte et ne reconnaît pas les interactions complexes.

Pour cela, certaines disciplines scientifiques dominent totalement les processus de prises de décision au risque de mener à ce qui est appelé l'ignorance institutionnelle, sur laquelle se fondent les décisions politiques. tox Les expériences montrent que tant dans le cas de l'utilisation de l'amiante que dans celui des radiations, les médecins cliniques s'étant concentrés surtout sur les effets aigus immédiats, on a négligé dans les deux cas de mener des recherches icologiques et épidémiologiques pour évaluer les problèmes chroniques, ce qui a influé sur l'élaboration des normes à partir desquelles ces deux domaines ont été régulés. Il en a été de même avec le MTBE, utilisé dans l'essence à la place du plomb. La décision de l'introduire s'est appuyée sur les connaissances liées aux moteurs, sur la combustion et la pollution de l'air, mais elle a négligé l'aspect pollution de l'eau, bien que des données aient été disponibles. En fait, les décisions sont prises à partir d'évaluations de risques basées souvent sur les informations de ceux dont les produits sont objet de l'évaluation du risque. Aussi, des sources d'information indépendantes sont-elles la condition nécessaire pour une évaluation indépendante, exacte et digne de confiance. Les cas d'utilisation du benzène, du PCB, de l'amiante et des chlorofluorocarbones montrent que les connaissances étaient disponibles bien avant que les gestionnaires se décident à prendre des mesures. La question est de savoir pourquoi ces connaissances n'ont pas été exprimées avant dans une meilleure législation, dans des normes et des règlements plus stricts.


Carte mondiale des producteurs d'OGM
En rouge: Les pays producteurs d'OGM
En bleu: les pays autorisant les cultures expérimentales
En vert: Les pays ayant decidé un moratoire sur la culture des OGM
En jaune: Moratoire mais cultures experimentales autorisées

Pour ces raisons, dans les débats sur les risques et les bénéfices de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés, nous devons tenir compte des expériences passées. À côté des avis des scientifiques, les décideurs devraient dans une plus large mesure tenir compte des points de vue et des valeurs de l'opinion publique. Ceci élargirait l'évaluation des avantages et des risques de l'utilisation des OGM. Leur usage n'est pas uniquement lié aux aspects environnement et santé mais aussi aux risques sociaux et économiques qui sont exclus des évaluations du risque de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés.

 

**Spécificité du risque de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés en Slovénie


Dans chaque société, le risque résultant de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés est différent et/ou sa perception est différente. Lorsque nous admettons les limites de notre compréhension et de notre connaissance sur la nature d'un certain problème, la question se pose de savoir quel risque une société donnée est disposée à accepter. L'utilisation des organismes génétiquement modifiés est risquée en raison de la nature de la transformation de l'organisme. Le degré du risque dépend aussi des données naturelles de chaque milieu et système ainsi que de l'efficacité de la protection juridique avec laquelle nous voulons l'écarter ou le réduire et répartir ses conséquences le plus également possible dans la société.

Avec l'adoption de la Directive 2001l18/EC, la législation européenne a élargi les critères d'évaluation du risque. Cette décision a été suivie par la Slovénie avec la Loi sur le traitement des organismes génétiquement modifiés qui a été adoptée en juillet 2002 après une longue période préparatoire. Cette loi fixe le cadre juridique général, sa réalisation débutera après l'adoption des règlements d'application. Indépendamment du fait que la Slovénie suit dans ce domaine la législation relativement stricte de l'UE, certains éléments de la loi font que l'objectivité des futures évaluations du risque peut être menacée en ce qui concerne la question de la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés dans l'environnement. En raison de problèmes généraux quant à l'application et à la mise en valeur de la législation d'une part et de données naturelles spécifiques de l'autre, on peut aussi craindre qu'en Slovénie, il ne sera pas possible de garantir la coexistence des trois types d'agriculture: la conventionnelle, l'écologique et la culture d'organismes génétiquement modifiés en cas de dissémination de ces derniers dans l'environnement.

 

**Longues années de vide juridique et déficit de mise en oeuvre


En raison d'un cadre juridique incomplet, le contrôle de l'importation et de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés en Slovénie ne s'effectue pas encore. Or, d'après les données de l'Institut national des statistiques de la RS sur l'origine de l'importation du maïs et du soja en 2001, on peut déduire que les organismes génétiquement modifiés sont déjà présents sur le marché slovène. Ceci a été aussi démontré par les résultats des tests entrepris en 2002 par l'Union des consommateurs de Slovénie, organisation non gouvernementale pour la protection du consommateur. Ces tests ont été réalisés dans un laboratoire accrédité en Allemagne. Sur vingt produits alimentaires, deux produits d'origine slovène contenaient plus de 1 % d'organismes génétiquement modifiés.24 Du fait qu'en Slovénie il n'y a pas non plus de contrôle sur la présence d'organismes génétiquement modifiés dans le matériel de semences, nous pouvons à juste titre supposer que les OGM se propagent de manière incontrôlée dans les écosystèmes agricoles, menaçant ainsi la pureté du matériel de semences utilisé par les agriculteurs de saison en saison. En outre, en raison de cette contamination, une fois le système de contrôle mis en place, l'existence économique des agriculteurs écologiques et conventionnels qui ne veulent pas cultiver d'organismes génétiquement modifiés se verra menacée.

L'application et la mise en oeuvre en Slovénie de la législation environnementale sont problématiques. Dans le cas du contrôle de la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés, les difficultés pour assurer le travail de surveillance des inspecteurs seront d'autant plus grandes qu'il faudra aussi départager et harmoniser le fonctionnement de trois inspections qui sont du ressort de trois ministères différents. Il faudra assurer et harmoniser aussi leur coopération avec les services douaniers.

 

Composition des comités scientifiques et problème du respect de l'exclusion d'intérêts


La loi récemment adoptée sur le traitement des organismes génétiquement modifiés prévoit la nomination de deux comités scientifiques qui remettront à l'organe compétent un avis sur les demandes pour travailler avec des organismes génétiquement modifiés dans des systèmes fermés, pour leur dissémination volontaire dans l'environnement et leur mise sur le marché. Les organisations non gouvernementales n'ont pas obtenu que leurs représentants soient aussi nommés dans ces comités scientifiques, bien qu'il s'agisse d'une pratique courante dans de nombreux pays de l'Union européenne et dans les pays candidats à l'entrée dans l'Europe. La participation de représentants des organisations non gouvernementales à de tels comités augmente la transparence dans l'adoption des avis et la préparation des évaluations du risque de chaque demande. En outre, dans la pratique, on tient compte plus souvent aussi du principe de précaution, ce qui apparaît dans des critères plus stricts de délivrance des autorisations. La loi stipule, il est vrai, que la coopération du public au processus de prise de décision est possible, mais ceci seulement une fois que l'avis du comité scientifique a été rendu.

Les profils des spécialistes qui, en Slovénie, présenteront leurs avis sur les demandes et l'évaluation du risque ne reflètent malheureusement pas la complexité du problème de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. En effet, parmi les personnes mentionnées, on ne trouve pas de représentants de ces branches de la science qui considèrent la dissémination des organismes génétiquement modifiés surtout du point de vue de systèmes (écologistes, entomologistes, etc.). Certes, la loi admet que le comité scientifique invite aussi des spécialistes d'autres branches à participer aux travaux, mais la question se pose de savoir avec quelle fréquence les membres des comités scientifiques rempliront ce droit et ce devoir.

Le respect de l'exclusion d'intérêts est aussi l'autre problème du fonctionnement de tels comités. Ce problème, sans doute présent partout, est encore plus perceptible en Slovénie en raison de sa petitesse spécifique. La question se pose de savoir comment, en raison du nombre modeste de spécialistes nationaux et des liaisons de travail existant entre les institutions compétentes, il sera possible de garantir l'activité des membres des comités scientifiques conformément à ce principe. Cela sera une question urgente surtout dans les préparatifs pour réaliser des essais en champ destinés à la recherche, car leur approbation sera de la compétence exclusive du pays, même après l'entrée de la Slovénie dans l'Union européenne.

 

**La question du niveau de démocratie et de la prise en compte des coûts externes


L'utilisation des organismes génétiquement modifiés et surtout leur dissémination volontaire dans l'environnement est liée aussi à la question du niveau de démocratie. Le droit du paysan qui veut cultiver des organismes génétiquement modifiés est-il supérieur au droit de celui qui ne veut pas et vice versa? Si le paysan qui décide de cultiver des organismes génétiquement modifiés menace potentiellement les décisions d'une autre personne qui s'oppose à leur usage, il est du devoir du paysan qui cultive des organismes génétiquement modifiés de prendre les mesures appropriées qui réduiront de façon maximale l'éventualité d'une contamination des produits génétiquement non modifiés. En conséquence, les agriculteurs qui décideraient de cultiver des organismes génétiquement modifiés devraient garantir sur leur terre la distance de séparation minimale.

De la même façon, dans le calcul de la justification économique de la culture des OGM, on devrait tenir compte aussi des autres coûts (ségrégation, conservation séparée et procédés de production séparés, étiquetage et traçabilité) car il s'agit au fond ici de couvrir la part des coûts externes auxquels nous sommes confrontés aussi dans les autres types de pollution.

 

**En conclusion - option pour un moratoire sur la dissémination volontaire des OGM en Slovénie


En raison des arguments mentionnés relatifs au problème de la définition scientifique du risque, de l'incertitude et du (non)respect du principe de précaution, ainsi qu'en raison de facteurs spécifiques caractéristiques de la Slovénie, il faut, dans notre pays, assurer un moratoire de quelques années quant à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés. Par cette décision, le principe de précaution serait respecté de manière conséquente, et pendant que le moratoire serait en vigueur, les scientifiques et les décideurs pourraient concentrer leurs travaux dans les domaines suivants :

- recherche sur l'influence de la dissémination des produits agricoles génétiquement modifiés sur les aspects sociaux, économiques, éthiques et environnementaux du développement de la société;
- recherche sur les possibilités en Slovénie de coexistence des formes d'agriculture suivantes culture des produits agricoles génétiquement modifiés, culture conventionnelle et culture écologique;
- étude sur la question de la responsabilité environnementale et sur la protection des droits des agriculteurs;
- travail général sur l'influence économique de la dissémination volontaire d'un produit agricole génétiquement modifié quel qu'il soit et sur la possibilité de coexistence et de conservation des opportunités pour les autres modes d'agriculture.

 

  • Les OGM et l'environnement

Par Marc Fellous INRA, UMR d'Agronomie, Président de la Commission du Génie Biomoléculaire - Texte datant de 2002 mais dont les principes généraux restent vrais.


I. Expérimentations de plantes génétiquement modifiées en France: Objectifs et modalités

Les objectifs : les étapes préalables et leurs limites


La construction ou création d'un organisme génétiquement modifié (OGM) puis son développement est un processus long qui se déroule en plusieurs étapes. Ce processus débute tout d'abord dans un laboratoire et comprend des expérimentations en milieu confiné in vitro, puis in vivo en enceinte climatisée, ensuite en serre pour déboucher éventuellement sur des expérimentations en milieu ouvert. Certains OGM, conçus comme outils scientifiques et destinés à améliorer la connaissance et la compréhension de la biologie des plantes, sont utilisés exclusivement en milieu confiné. L'expérimentation au champ est en revanche envisagée lorsqu'elle est nécessaire pour acquérir certaines données scientifiques ou qu'un développement de l'OGM à des fins commerciales est envisageable et techniquement possible. La succession des étapes et des expérimentations conduit à la construction de connaissances tant sur les caractéristiques intrinsèques de l'OGM que sur ses intérêts potentiels et sur les risques qu'il est susceptible de présenter pour la santé et l'environnement.

C'est notamment sur la base de ces données que le développement de l'OGM en vue d'une valorisation dans le domaine agricole, industriel ou pharmaceutique peut être jugé intéressant. Le développement de l'OGM peut en revanche être abandonné, notamment par le pétitionnaire, si les données acquises montrent qu'il ne répond pas aux objectifs recherchés ou qu'il ne répond pas de manière satisfaisante aux exigences d'innocuité.

 L'expérimentation au champ s'inscrit dans la logique d'un programme de recherche. Elle constitue une étape nécessaire pour compléter les résultats obtenus à partir des expérimentations en laboratoire, puis en serre. Elle apparaît également nécessaire pour valider les hypothèses de recherche initialement formulées et acquérir de nouvelles connaissances, notamment sur les interactions de l'organisme avec les facteurs environnementaux et agronomiques dans toutes leurs composantes. Elle contribue à estimer le comportement de la plante soumise à des environnements divers et variables, notamment en termes de sol, de systèmes de culture, de climat, d'infestation par des agents responsables de maladies et d'infestation par des plantes adventices. La complexité des facteurs de l'environnement et des interactions possibles font que ces expérimentations au champ ne sont généralement pas substituables. L'expérimentation au champ permet donc de mieux caractériser l'OGM dans les conditions agro­climatiques qui sont celles où sont habituellement cultivées les plantes agricoles.

Les essais au champ sont de plus, dans le domaine de la génomique végétale et en particulier des OGM, la condition essentielle à l'évaluation des risques et des avantages potentiels liés à la culture et la commercialisation de plantes sur grandes parcelles. Dans le cas contraire, les connaissances sur le comportement de l'OGM dans les conditions naturelles et sur les risques potentiels qu'il peut représenter sur la santé publique et l'environnement ne seraient que parcellaires. Leur appréciation risquerait d'être trop exclusivement centrée sur des approches théoriques.

Lorsqu'une utilisation commerciale de l'OGM est envisagée, l'expérimentation de plantes transgéniques au champ est imposée par la réglementation européenne: la directive 2001-18 relative à la dissémination volontaire des OGM, remplaçant la directive 901220/CEE indique, « qu'il convient de n'envisager la mise sur le marché d'aucun produit consistant en OGM ou en contenant et devant faire l'objet d'une dissémination volontaire sans qu'il ait au préalable été soumis, au stade de la recherche et du développement, à des essais sur le terrain satisfaisants, dans les écosystèmes qui sont susceptibles d'être affectés par son utilisation ».

 

II. Effets non-intentionnels des plantes génétiquement modifiées


Les isolements des essais par rapport aux cultures avoisinantes et les autres mesures qui sont prises pour limiter la dispersion de pollen, de graines ou d'organes permettant une reproduction végétative.

 

1. Facteurs affectant l'étendue de ces effets non-intentionnels


Dans le cadre des disséminations expérimentales d'OGM, la taille des parcelles, le nombre de plantes expérimentées, la localisation de ces parcelles, et les conditions dans lesquelles est conduite la culture expérimentale, sont des facteurs pris en considération, en tant que facteurs qui affectent l'étendue des effets non-intentionnels considérés.

Les effets non-intentionnels sont fonction de plusieurs facteurs qui dépendent du caractère introduit, de l'espèce concernée et du contexte général de l'utilisation de l'OGM. C'est ce qui justifie une approche d'évaluation sur la base du cas par cas, principe commun de l'évaluation des risques des OGM au sein de l'Union européenne.

Le paragraphe 2 propose un inventaire des effets non-intentionnels qui peuvent être imputés à des plantes génétiquement modifiées. Cependant, il convient de rappeler que la plupart de ces effets non-intentionnels ne sont généralement pas spécifiques des plantes transgéniques, mais peuvent concerner toute innovation dans le domaine de l'amélioration ou de la sélection végétale. Lors de l'évaluation, il est donc nécessaire d'effectuer la distinction entre les effets propres des plantes transgéniques et ceux relevant de problématiques plus larges.

 

2. Inventaire des effets non-intentionnels possibles


Les effets non-intentionnels que les OGM sont susceptibles de produire lors d'une utilisation à une échelle d'ordre commercial, sont de plusieurs types: toxicologique, environnemental, agronomique et économique. Certains justifient une évaluation a priori, préalable à toute dissémination volontaire en particulier dans les étapes préliminaires qui relèvent de la recherche et du développement.

  • Effets non-intentionnels sur l'environnement

Les effets non-intentionnels dépendent de l'espèce considérée et de sa capacité à disperser des gènes dans l'environnement par la voie du pollen, des graines ou d'organes permettant une multiplication végétative. Suivant la nature des caractères introduits, l'OGM peut acquérir de nouvelles propriétés lui conférant un avantage sélectif par rapport aux autres variétés ou espèces végétales. Il peut en résulter des effets non-intentionnels sur l'équilibre des espèces dans les écosystèmes, par prolifération dans l'écosystème de la plante transgénique elle-même ou de l'espèce interfertile qu'elle aurait fécondée.

Les possibles conséquences, en particulier à long terme, de ces flux sur l'environnement peuvent être difficiles à évaluer. Ces possibles conséquences génèrent des préoccupations, plus importantes lorsqu'elles concernent des régions qui correspondent à des centres de diversité génétique de l'espèce génétiquement modifiée expérimentée. La possibilité d'acquisition de plusieurs caractères génétiquement modifiés par une même plante doit également être prise en considération.

Les OGM résistants à des ravageurs sont susceptibles d'exercer une pression de sélection favorisant la sélection de populations résistantes à la toxine exprimée par la plante. L'effet non-intentionnel est alors lié à la possible prolifération de ces ravageurs du fait des difficultés qu'il y aurait à les maîtriser.

Le relargage dans les sols de toxines natives ou modifiées secrétées par la plante est aussi une source d'effets non-intentionnels sur les écosystèmes du sol et, par voie de conséquence, de la diversité biologique dans l'environnement immédiat de la plante.

Les plantes cultivées dans le cadre de l'expérimentation peuvent également avoir un effet non-intentionnel sur les espèces «non-cibles» de la faune sauvage qui sont susceptibles de visiter les parcelles expérimentales.

  • Effets non intentionnels liés à la pratique agricole sur ces cultures

L'utilisation d'OGM tolérants à un herbicide peut créer des effets non-intentionnels indirects sur l'environnement, du fait de l'emploi des molécules phytopharmaceutiques sur ces cultures.

En outre, il se pose aussi la question de possibles effets d'ordre économique, et du domaine de la gestion des espaces agricoles liés aux flux de gènes nouveaux vers des parcelles de productions commerciales. Il en découle des interrogations sur la coexistence, dans les mêmes espaces ou dans des espaces proches, d'expérimentation et de cultures commerciales, et plus largement sur la coexistence de différents modèles d'agriculture. Le choix de l'agriculture biologique de n'accepter aucune utilisation d'OGM dans ses productions, ainsi que les revendications d'associations de consommateurs visant à pouvoir disposer du libre choix d'une alimentation sans aucune trace d'OGM, sont des préoccupations de cet ordre.

Les critères d'ordre social ou économique ne rentrent pas dans le champ réglementaire de compétence des instances consultatives d'évaluation qui interviennent spécifiquement sur la question des organismes génétiquement modifiés. Les questions agronomiques qui relèvent de la gestion globale des espaces agricoles ne sont pas prises en compte dans le cadre de l'évaluation, au cas par cas, mais peuvent être abordées, dans le cadre de réflexion spécifiques, et faire l'objet de recommandation dans des avis de portée générale de la Commission du génie biomoléculaire.

 

III. Moyens de prévention pour limiter les risques


1. Clauses d'exclusion


L'évaluation préalable des risques est le premier élément qui conduit à la prévention des risques.

Toute expérimentation de plante génétiquement modifiée est subordonnée à une évaluation des risques préalable. Cette évaluation des risques s'appuie sur un dossier scientifique et technique. Ce dossier apporte des informations relatives à l'innocuité pour l'homme et pour l'environnement de la «nouvelle construction génétique ». L'évaluation vise à exclure tout dossier pour lequel l'information serait jugée insuffisante ou révèlerait des risques avérés.

Des éléments sur l'origine, l'historique et la longueur de la séquence des gènes et de la construction génétique transférée dans l'organisme hôte doivent être connus. Les informations précisent dans quel compartiment cellulaire de l'hôte, cette construction génétique est susceptible d'être insérée (noyau, organites, cytoplasme). Les évaluations s'appuient aussi sur les informations disponibles sur l'organisme qui reçoit la construction génétique.

 

2. Limitation des disséminations non-intentionnelles


 Les mesures prises autour des essais visent à limiter à un niveau très faible la possibilité de dissémination non-intentionnelle dans l'environnement des transgènes issus de l'organisme génétiquement modifié expérimenté. Les mesures préconisées et imposées par la décision individuelle d'autorisation d'expérimentation au champ, sont définies en fonction des conclusions de l'évaluation des risques conduite au préalable. Elles sont donc déterminées au cas par cas en fonction des caractéristiques biologiques de l'espèce considérée, du niveau de connaissance sur l'événement de transformation considéré et des objectifs de l'expérimentation.

Des mesures d'isolement, reproductif, géographique ou physique permettent d'assurer une limitation de la dispersion des transgènes par la voie du pollen, des graines ou d'organes permettant une multiplication végétative.

  • 2.1 Isolements reproductifs

Dans le cas d'isolement reproductif strict, les plantes expérimentées ne produisent ni pollen, ni graines: les fleurs ou inflorescences sont éliminées de la plante dès leur apparition. L'isolement reproductif est assuré par exemple par la castration des organes mâles de la plante génétiquement modifiée, par des systèmes de stérilité-mâle ou la disjonction des périodes de floraison entre les plantes expérimentées et les plantes cultivées à proximité. Un suivi régulier assure une élimination complète des organes de reproduction des
plantes.

  • 2.2 Isolement géographique ou physique

Les isolements géographiques ou les mesures physiques d'isolement ont un effet moins radical sur la réduction de cette dispersion. Dans ce cas, les plantes génétiquement modifiées expérimentées se reproduisent pendant la période de l'essai. La distance d'isolement est déterminée en fonction des caractéristiques de dispersion du pollen de la plante. L'objectif est de créer une zone tampon entre la parcelle expérimentale de l'OGM et les cultures avoisinantes dans le but de réduire la probabilité de fécondation croisée entre l'OGM et la plante cultivée de la même espèce, ou compatible avec celle­-ci. Des isolements utilisant des mesures physiques comme par exemple la pose de filets sur les plantes ou de sachets sur les inflorescences limitent encore plus cette probabilité, mais elles imposent un suivi plus important et ne sont pas techniquement réalisables lorsque le nombre de plantes est important. Enfin, des dispositifs complémentaires, constitués de plantations périphériques de plantes non transgéniques, sont souvent recommandés en complément.

 

3. Suivi avant et après les récoltes


Les mesures d'isolement se complètent par d'autres dispositions qui assurent un contrôle des plantes et de leur dispersion. Ces dispositions portent notamment sur la surveillance et la destruction des plantes susceptibles de constituer des relais de dissémination des transgènes. Il peut s'agir de plantes de la même espèce ou d'espèces apparentées présentes sur le bord des routes ou des chemins. La fécondation de ces plantes par le pollen de la plante génétiquement modifiée permettrait la production d'hybrides susceptibles, l'année suivante, de disperser à leur tour le transgène dans l'environnement.

Des mesures de gestion des parcelles permettent d'éviter l'enfouissement en profondeur des graines tombées au sol, et d'assurer le contrôle des repousses qui pourraient en découler les années suivant l'expérimentation. Elles visent également, le cas échéant, au contrôle des organes de multiplication comme les tubercules de pommes de terre ou les éclats de racine de betterave. Ces opérations de gestion et de surveillance concourent au même titre que les mesures d'isolement au contrôle de la dissémination involontaire des transgènes.

 

IV. Données relatives à la dispersion des gènes


1. Conséquences de la dispersion pollinique


Les conditions en cadrant la production de semences permettent de garantir une pureté variétale conforme aux exigences d'une production de qualité. Un règlement technique de production définit notamment les modalités permettant d'assurer une maîtrise des pollutions polliniques provenant de l'extérieur de la parcelle de production (flux entrant). Le résultat de ces mesures s'exprime à travers les taux de pureté variétale mesurés dans les lots de semences de base (SB) ou de semences certifiées (SC) commercialisées. Ces taux de pureté variétale sont de bons indicateurs des effets des mesures d'isolement sur les probabilités de fécondation croisée au-delà d'une certaine distance.

Ces valeurs ne sont pas directement transposables pour déterminer le taux de fécondation à attendre à partir d'une parcelle vers les parcelles extérieures (flux sortant). Les expérimentations et l'analyse d'échantillons sur des parcelles placées à proximité de la source de pollen issus de plantes génétiquement modifiées, apportent des informations complémentaires sur cet aspect. La mesure des taux d'impureté variétale dans les échantillons permet d'évaluer l'efficacité des distances d'isolement sur la diffusion de pollen depuis la parcelle considérée vers les parcelles voisines. Ce sont des indicateurs pertinents des flux de gènes depuis la parcelle expérimentale de plantes transgéniques (flux sortant).

Des analyses de ce type ont été conduites, notamment en France, dans le cas de différentes espèces comme le maïs, le colza et la betterave.

 

DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS

  • Pour l'environnement

En ce qui concerne l'impact environnemental des herbicides, les surfaces limitées des cultures expérimentales permettent de considérer qu'un tel impact est limité dans le temps et l'espace. En outre, si les plantes génétiquement modifiées sont nouvelles, les herbicides considérés ne le sont pas et sont déjà autorisés à la mise sur le marché pour d'autres usages, et ont donc fait l'objet d'une évaluation toxicologique et écotoxicologique.

Du fait de leurs nombres et de leurs surfaces, les cultures expérimentales d'OGM résistants à des ravageurs ne sont pas susceptibles d'exercer une pression de sélection notable, et de suffisamment longue durée, pour favoriser la sélection de populations de ravageurs résistants. Des effets non-intentionnels liés à la possible prolifération de ravageurs résistants, du fait de ces cultures expérimentales, ne sont donc pas à craindre. On rappellera que l'une des principales mesures de gestion du risque d'émergence de ravageurs résistants, est de préserver des zones refuge (i.e. sans culture d'OGM) de suffisamment grande taille. Dans ce cas, on peut donc considérer que la zone refuge est constituée par les cultures conventionnelles couvrant le territoire national.

Les contraintes d'isolement et de surveillance qui entourent les essais semblent apporter des éléments de garantie, quant à l'absence de conséquences de ces expérimentations de plantes génétiquement modifiées sur l'environnement.

Il en ressort que dans les conditions actuelles où sont conduites les expérimentations d'OGM au champ, les risques paraissent encadrés et limités. En outre, si l'Union européenne s'est dotée d'une législation commune en matière d'OGM, elle laisse à chaque Etat membre la possibilité d'adopter des mesures de gestion des risques, qui lui sont propres. Il convient de constater que les mesures d'isolement et d'encadrement des essais adoptées par la France sont parmi les plus contraignantes d'Europe en termes d'isolement et de suivi des essais.

Cependant, le manque de certitudes sur les potentiels effets non intentionnels résiduels doit inciter à la prudence et justifie une évaluation des risques préalable rigoureuse. Les expérimentations constituent un moyen important pour acquérir des informations précises sur les effets non intentionnels des OGM, et doivent permettre ainsi de faire évoluer, le cas échéant, les dispositifs en place.

  • Que dire de la coexistence des essais avec divers types d'agriculture ?

La coexistence de différents modèles agricoles est une question qui se pose déjà actuellement entre la culture conventionnelle et la culture biologique. Le principe même d'une éventuelle coexistence suppose tout d'abord de reconnaître un droit égal à exister pour chacun des modèles choisis librement par les uns ou les autres.

L'agriculture biologique a opté pour la non utilisation, à l'exception des médicaments vétérinaires, de produits génétiquement modifiés, ou de produits qui en sont issus, ainsi que de semences ou de plants obtenus à partir d'OGM (Règles de production - Article 6 du règlement 2092/91 du 24 juin 1991 modifié). Cependant, comme dans le cas des produits de traitement phytopharmaceutiques, également considérés dans les règles de production de ce même règlement européen, il s'agit là d'une obligation de moyens et non pas d'une obligations de résultats quant à une absence totale des molécules considérées, dans les produits finis.

Il en ressort que, de la même manière que l'agriculture biologique est capable de coexister avec une agriculture conventionnelle, utilisant des produits phytopharmaceutiques, elle pourrait l'être face à une agriculture utilisant des plantes génétiquement modifiées, qu'il s'agisse de cultures de plantes génétiquement modifiées à titre commercial ou expérimental. Cette coexistence suppose cependant que les partenaires, du producteur aux consommateurs, reconnaissent clairement que les productions issues de l'agriculture biologique sont acceptables lorsqu'elles présentent des traces d'OGM alors que l'agriculteur a, en toute bonne foi, utilisé des semences vendues comme conventionnelles. Cette coexistence suppose également la définition de cahiers des charges précis et de seuils de tolérance.

En outre, dès lors que des variétés de plantes génétiquement modifiées ont été autorisées au niveau communautaire à la mise sur le marché, cette question de coexistence n'est plus spécifique de la question de l'expérimentation au champ de telles plantes.

  • Quel type d'essais admettre ?

Les expérimentations au champ doivent s'inscrire dans une démarche rigoureuse contribuant à l'acquisition de connaissances indispensables, à l'élaboration d'une expertise indépendante et accessible, au contrôle et au suivi transparent des plantes transgéniques. Dans la logique de ces finalités, on peut distinguer une gradation des expérimentations en deux ordres.

Les essais de premier ordre fournissent des réponses indispensables et nouvelles à des questions qui ont déjà été abordées et non résolues par des expérimentations en milieu confiné. Il est donc nécessaire de soumettre les plantes génétiquement modifiées à des conditions environnementales de milieux ouverts. Ces essais apportent des éléments nouveaux de compréhension. Ceci peut concerner la conception ou la mise au point de méthodologies, l'appréciation de l'efficacité agronomique d'événements de transformation sous diverses conditions agro-climatiques, la caractérisation et l'évaluation des risques, ou enfin la production de matériel transgénique pour des essais ultérieurs ou pour des études d'alimentarité ou de toxicologie. Dans tous les cas, la justification de mettre en place des essais peut être étayée par des résultats obtenus en serre confinée ou dans d'autres lieux. Les approches expérimentales et la modélisation pourront être couplées chaque fois que la complémentarité des apports fournira des résultats ou des questions nouvelles. Ces essais sont conduits aussi bien par des laboratoires publics que privés. Les expérimentations de premier ordre concernent aussi bien les essais de niveau l, 2 ou 3. Ainsi la caractérisation et l'évaluation des impacts sur l'environnement biotique ou abiotique peuvent exiger la conduite d'expérimentation sur plusieurs hectares pendant plusieurs années. Dans la mesure où ces expérimentations fondent une partie de leur légitimité sociale sur le fait qu'elles apportent des informations inédites, il est indispensable que les résultats relatifs à l'évaluation des risques en soient largement diffusés, qu'ils soient issus du secteur public ou privé. Suivant certains experts, l'incapacité à conduire des essais du premier ordre sur le territoire national ne serait pas sans conséquences sur le dynamisme de la recherche française et sa capacité à acquérir, en propre, des données et des connaissances.

Les expérimentations du deuxième ordre ont pour vocation de confronter les données déjà acquises aux exigences de la réglementation ou à celles du développement. lis se mettent en place uniquement au niveau 3 conformément aux exigences de la réglementation européenne décrite précédemment.

  • Comment organiser ces essais et les gérer ?

Les effets non intentionnels de parcelles expérimentales dépendent des caractéristiques de la plante génétiquement modifiée ainsi que de facteurs liés aux conditions expérimentales, tels que la taille des parcelles. Les données précises sur ces différents effets ne sont pas toujours bien connues d'autant qu'elles dépendent de différents facteurs. Ces effets potentiels dépendent pour une large part de la dispersion du pollen dans l'environnement.

La localisation géographique est donc un facteur important à considérer dans la gestion des expérimentations au champ, à la fois en terme de distance de l'essai par rapport aux espèces végétales sexuellement compatibles, et de site d'implantation de l'essai. Les distances d'isolement géographique et reproductif actuellement appliquées permettent de limiter les risques de présences fortuites dans les semences conventionnelles à un niveau faible.

En ce qui concerne la dispersion pollinique, il apparaît logique de considérer que plus la distance est grande, plus la probabilité de fécondation croisée est faible. Toutefois, les données acquises montrent qu'au-delà d'une certaine distance, la probabilité de fécondation croisée se maintient à un niveau très faible. Suivant les connaissances acquises chez la plupart des espèces allogames, la dispersion du pollen décroît, en effet, de manière exponentielle à courte distance à partir de la source (spécifique de l'espèce considérée) puis se maintient à un niveau très faible (quelques pour mille) sur des distances plus longues (spécifiques de l'espèce considérée). Il semble donc difficile de prédire de façon fiable, le taux de dispersion dans le cas de ces distances plus longues du fait que la loi de décroissance ne peut pas être déterminée à partir des données actuellement disponibles. En outre, la dispersion du pollen est variable suivant l'espèce considérée. Elle dépend de ses caractéristiques biologiques et notamment de la taille, du poids et de la forme du pollen. La dispersion du pollen sur de longues distances est soumise à des facteurs variables parmi lesquels l'hétérogénéité du paysage (haies, rivières ...) et le transport par les animaux. La durée de vie du pollen et sa capacité de germination qui en découle, sont des paramètres importants également à prendre en considération, puisque ce n'est pas la dispersion en tant que telle qui importe, mais les conséquences de cette dispersion.

L'ensemble de ces éléments permet donc de considérer que l'accroissement des distances d'isolement actuellement définies n'aurait que peu d'incidence sur la réduction de la probabilité de fécondation croisée entre la plante génétiquement modifiée et d'autres plantes. En outre, les données disponibles sur la dispersion possible par d'autres moyens que le pollen (graines, organes permettant une reproduction végétative...) sont plus fragmentaires que celles disponibles sur le pollen. Elles devraient être prises en compte pour fonder valablement de nouvelles mesures limitant la dispersion à longue distance. Un effort dans ce domaine de recherche devrait donc être encouragé. De même, un complément d'attention devrait être porté sur la question des effets non-intentionnels qui concernent le patrimoine naturel (flore et faune). Ces effets sont actuellement moins connus, moins bien évalués et justifient un effort particulier.

  • Tout en considérant que des parcelles de petite taille sont souvent suffisantes pour obtenir certaines informations, des expérimentations à grande échelle peuvent aussi être nécessaires. Comme la taille des parcelles expérimentales a également une influence sur la probabilité d'apparition des effets non intentionnels, une gestion plus globale de l'implantation des parcelles dans l'espace est souhaitable notamment lorsque les essais concernent plusieurs sites.
 

Par Stéphane Le Bouler, Commissariat Général au Plan

En avril 2000, les ministres français chargés de l'Agriculture et de l'Environnement demandaient au Commissariat général du Plan d'étudier les conséquences à moyen et long terme de l'usage en agriculture des plantes génétiquement modifiées (PGM). " L'analyse des questions de légitimité et d'acceptabilité de ces technologies" et " l'étude des impacts socio-économiques de l'utilisation ou de la non-utilisation de ces innovations" constituaient les deux thèmes majeurs.

Evaluer l'impact d'une innovation telle que les OGM sur une économie suppose en préalable de préciser l'objet (S'intéresse-t-on aux OGM dits de première génération ou aux OGM du futur ?) et la cible (Quels sont les acteurs, les domaines concernés ?).

A l'évidence, on ne saurait réduire l'analyse à la chronique de l'échec industriel et commercial des OGM dits de première génération en France et dans une grande partie de l'Europe. En même temps, il faut bien comprendre les enjeux économiques de la controverse et les résultats constatés pour juger des promesses des OGM à venir.

Prétendre mesurer les impacts sur l'économie française est d'ailleurs un peu présomptueux. On s'efforcera de sérier quatre types d'enjeux: enjeux industriels, enjeux en termes de production agricole et d'échanges sur les marchés, enjeux en termes de consommation et de bien être, enjeux enfin en termes de ressources collectives valorisées.

Nous ferons donc « miroiter» ces différentes facettes de l'analyse, notamment autour de trois thèmes fondamentaux: la constitution du surplus et sa répartition, les effets d'un choc sur la demande, le modèle agricole sous-jacent et le coût de la régulation.

 

1 - La constitution du surplus et sa répartition


A partir de quelles données travailler ?


L'absence de culture commerciale des OGM actuellement en France conduit à beaucoup de circonspection quant à la mesure des impacts. Cela impose un détour par les pays où la culture est effective. Un des enjeux est d'apprécier l'écart entre le potentiel d'une innovation et les résultats constatés, écart lié aux conditions concrètes de culture, aux comportements des acteurs en situation de production et de consommation. Nous avons donc besoin de cette épreuve de réalité comparative et, en même temps, il nous faut éviter toute extrapolation abusive.

L'analyse des résultats constatés, conduite à partir des données des États-Unis et du Canada a porté essentiellement sur quatre plantes (soja, maïs, colza, coton) et deux caractères (résistance aux insectes et tolérance aux herbicides totaux), cet ensemble constituant 99 % des PGM actuellement cultivées.

L'étude de la situation française a pris en compte ces éléments, sans transposition hâtive; elle s'est appuyée sur les résultats des plates-formes expérimentales des instituts techniques concernés et sur des simulations. Elle s'est aussi référée à un certain nombre d'enquêtes et d'études expérimentales en matière de consommation.

 

Quel bilan établir au niveau des exploitations ?


Le modèle agricole duquel participent les OGM valorise un certain nombre d'objectifs et de critères d'évaluation: rendements à l'hectare, productivité des facteurs, usages d'intrants considérés en termes monétaires, sécurité, gain de temps. C'est d'abord à ce niveau que nous avons situé l'analyse.

Dans le rapport, plutôt que d'accréditer telle ou telle étude partielle, nous nous sommes attachés à répondre à deux questions centrales: pour quelles raisons la surface des OGM cultivés sur le continent nord-américain a-t-elle atteint en cinq ans 44 millions d'hectares, soit quatre fois la surface française des grandes cultures? es raisons sont elles valables en Europe

Même si les résultats apparaissent variables selon les auteurs, les méthodes d'études utilisées et les régions concernées, on peut avancer que:

- les gains de rendement sont assez conjoncturels, même parfois négatifs, et ne se manifestent que si la situation de référence est fortement perturbée (attaque forte d'insectes, difficultés de contrôle des mauvaises herbes) ;
- les économies de produits phytosanitaires, en particulier d'herbicides, apparaissent, en termes monétaires, beaucoup plus systématiques et conséquentes, même si l'augmentation du prix des semences absorbe une partie des sommes économisées;
- enfin, la simplification et la plus grande flexibilité des pratiques agricoles permises par l'utilisation des PGM, en particulier celles résistantes aux herbicides totaux (semis direct, désherbage post-Ievée...), semblent avoir constitué un puissant facteur d'adoption.

Dans le cas français, on retrouve, en particulier pour le colza et la betterave, l'importance du facteur" économie d'herbicides ", pouvant réduire de 30 à 50 % le montant de cette dépense, et le caractère très secondaire des gains de rendement. La question de la simplification des pratiques agricoles est plus difficile à anticiper mais des taux d'adoption notable de ces PGM sont envisageables, le maïs restant nettement en retrait.

L'hétérogénéité des résultats techniques (suivant les plantes et les caractéristiques génétiquement modifiées, suivant les régions, suivant les critères d'appréciation) et l'importance des variables prix et des comportements des producteurs (pour passer du potentiel d'une telle technologie au réel) expliquent des taux de diffusion très disparates sur le territoire et augure de résultats économiques contrastés.

 

Les OGM génèrent-ils un supplément de revenu global et comment se répartit­-il?


L'étude de l'évolution du surplus créé par l'utilisation des PGM a fait appel à des résultats empiriques et à diverses simulations. Elle montre qu'en situation de prix fixes des récoltes (et donc sans gain en termes de prix pour les consommateurs), une partie notable des gains des agriculteurs serait transférée aux fournisseurs d'intrants, ces transferts étant assez variables selon les cultures (environ 50 % pour le coton aux États-Unis, le colza et la betterave en France, beaucoup plus pour le maïs aux États-Unis et en France). En outre, on observe dans ce cas un fort transfert entre le secteur phytosanitaire et celui des semences.

Par rapport à cette situation simple, si l'on introduit une baisse éventuelle des prix agricoles liée à l'augmentation de la productivité des facteurs, cette baisse peut absorber la totalité du gain et le transférer vers les consommateurs.

Au total, le surplus collectif lié à l'introduction des OGM dits de «première génération» apparaît limité - quand il existe - et la redistribution importante à l'intérieur de ces marges étroites.

 

2 - La controverse ou les effets d'un choc sur la demande


Comment mesurer l'impact de la controverse sur le bilan économique de cette innovation ?


Le débat public qui s'est développé en Europe depuis 1996 a conduit progressivement les différents opérateurs des filières alimentaires à porter beaucoup plus d'attention aux attentes des citoyens-consommateurs qu'aux propositions des innovateurs; l'absence de bénéfices tangibles des PGM actuelles pour les consommateurs (à la différence des applications biomédicales) a en effet joué un rôle important dans les réticences observées; distributeurs, transformateurs, puis producteurs agricoles et maintenant firmes semencières et organismes de recherche ont revu leurs stratégies, révision qui s'est notamment traduite par des restructurations industrielles de grande ampleur; la prudence des assureurs et les possibilités d'ores et déjà réelles d'actions juridiques les renforcent dans cette attitude. Le front industriel a éclaté au cours de la controverse.

La controverse modifie profondément le bilan économique de cette innovation et ce de deux points de vue: les termes du bilan économique global envisagés à partir de quelques variables agrégées (prix, revenus des acteurs, gain collectif) changent; nous sommes en présence d'un choc sur la demande, prix de l'incertitude sur la qualité; par ailleurs, une analyse en termes de bien être collectif justifie d'élargir les critères à considérer et de s'intéresser aux processus de production pour prendre en compte les externalités.

 

Quelle vision les opérateurs ont-ils de cette innovation pour les années à venir ?


Les OGM à venir n'ont évidemment pas la même importance pour les différents acteurs selon que cette innovation touche le cœur de leur métier, représente une opportunité ou permet de dégager un avantage concurrentiel (en faveur ou à l'encontre de l'innovation) ; les enjeux industriels (en termes de rentabilité, d'emplois ou de compétitivité) sont également très disparates.

Pour la recherche, l'utilisation de ces méthodes constituera un outil extrêmement utile pour améliorer la compréhension du fonctionnement des plantes.

Pour les semenciers, le choix est crucial, dès lors que les biotechnologies proposent des outils nouveaux et diversifiés pour la création variétale et sont susceptibles de créer des différences fortes de compétitivité entre les firmes selon les stratégies choisies.

Pour les agronomes, ce nouveau potentiel pourrait permettre d'aborder plus efficacement les problèmes de lutte contre les ravageurs, de réduction des impacts environnementaux ou d'adaptation à des conditions difficiles. Cette éventualité ne doit pas être considérée comme une alternative mais comme une composante pouvant s'intégrer dans des stratégies combinant des approches diverses.

Pour les industries agro-alimentaires, si les objectifs possibles ne manquent pas, que ce soit pour modifier les propriétés des matières premières ou celles des produits finis, ces technologies n'apparaissent pas incontournables.

Pour les distributeurs, la stratégie concurrentielle, à l'écoute des mouvements de l'opinion, aurait pu intégrer les OGM ; elle pourra demain les prendre en compte; le fait est que, depuis quelques années, la plupart des grands groupes européens ont bâti leurs arguments commerciaux sur le bannissement des OGM.

Enfin, les enjeux non alimentaires, qu'il s'agisse de contribuer à une production plus efficace et plus durable de bioénergie ou de biomatériaux ou à la production de molécules d'intérêt pharmaceutique, sont sans doute importants mais ne sont pas dénués de critiques potentielles.

A l'évidence, les arguments qui précèdent doivent être pondérés par le poids respectif, le pouvoir des différents opérateurs au sein de la filière: le retournement des industriels de l'agro-alimentaire, à la suite des distributeurs, a été, on l'a dit, un frein très puissant à la diffusion des OGM en Europe.

 

Faut il rémunérer l'innovation et comment ?

 

 Ce sujet a cristallisé les critiques. S'interroger sur les formes de protection de l'innovation amène à distinguer la question des finalités et celle des modalités.

Sur le plan des finalités, le rapport rappelle qu'une reconnaissance du principe de protection de la propriété intellectuelle est une condition incontournable de l'investissement de firmes privées dans ces domaines de l'innovation.

Sur le plan des modalités, les questions de savoir si le brevet sous ses différentes formes (américaine ou européenne) constitue, pour la création de variétés végétales, le meilleur outil pour stimuler les innovations et rémunérer équitablement tous ceux qui y ont contribué, méritent un examen critique plus approfondi. Les modalités de son utilisation par la recherche publique seraient notamment à clarifier.

Au-delà des principes, la répartition du surplus opérée en situation de production semble effectivement indiquer des redistributions importantes. Quant aux promesses de retour rapide sur investissement, elles sont bien apparues comme la condition d'un engagement durable des firmes, les marchés financiers donnant le signal de la retraite en cas de manquement.

 

3 - Quelles options pour l'action publique ?


Une crise passagère ?


Le débat publi



26/10/2010
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