Lors de l’examen du projet de la loi de modernisation agricole, adopté par le sénat, le débat sur les prédations du loup dans les alpages est revenu dans l’hémicycle via l’amendement n°117. Cet amendement, présenté par MM. Bernard-Reymond, Bailly, Beaumont, Bécot et Bizet, Mmes Bout et Bruguière, MM. Carle, Cazalet, Chauveau et Cointat, Mme B. Dupont, MM. Etienne, Ferrand et B. Fournier, Mmes G. Gautier et Giudicelli, MM. Grignon, Lardeux, Leclerc, Legendre, du Luart, Milon et Pinton et Mme Rozier, est ainsi libellé :
Après l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411–4 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 411-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-4-1. – À titre expérimental pendant une période de trois ans, les bergers, titulaires d’un permis de chasse, sont autorisés à abattre les loups dans les limites des territoires consacrés à l’élevage. »
M. Gérard Bailly. Le sujet dont il est question dans cet amendement de notre collègue Bernard Reymond, que j’ai cosigné des deux mains – pour ne pas dire des trois mains, tant je suis convaincu de son intérêt –, a été évoqué à plusieurs reprises dans cette enceinte, et encore hier.
Mes chers collègues, je tiens à votre disposition un article publié dans l’exemplaire du mois de mars de ce journal de montagne (M. Gérard Bailly brandit un journal). Il reproduit un compteur qui, d’un côté, marque 3 133, soit le nombre d’agneaux et de brebis qui ont été égorgés par les loups en 2009, alors que l’autre côté reste bloqué sur 1, c’est-à-dire le nombre de loups tués au cours de cette même année.
Cet article nous apprend aussi que, le 18 février dernier, à Gap, entre 1 200 et 1 500 personnes ont manifesté pour soutenir un chasseur poursuivi pour avoir tué un loup. Cette situation ne peut plus durer. Il n’est plus possible de laisser les loups, désormais très nombreux, causer de tels dommages aux activités pastorales. La lutte est devenue par trop inégale.
M. Pierre Bernard-Reymond, qui ne pouvait être présent cet après-midi, m’a chargé de vous transmettre un message, auquel je souscris sans réserve, sur ce qui est devenu un problème de société.
« Quelle conception se fait-on du travail des hommes ? Quel respect leur accorde-t-on ? Quelles relations notre nation est-elle capable d’établir entre les cultures et les modes de vie différents qui s’expriment sur notre territoire ? Peut-on prendre le risque de voir s’agrandir encore la fracture entre le monde urbain et le monde rural ?
« Vous le savez, monsieur le ministre, la présence toujours plus importante de loups dans les alpages confronte les éleveurs d’ovins et, parfois, de bovins à une situation de plus en plus insupportable. Les attaques de loupsoccasionnent de nombreuses pertes, obligent les éleveurs à adopter des modes de garde très contraignants, tandis qu’ils s’inquiètent du danger potentiel que représentent les chiens de garde spécialisés pour les touristes qui fréquentent les alpages.
« Il faut avoir été le témoin de la détresse d’une famille d’éleveurs dont le troupeau vient d’être décimé par les loups pour comprendre qu’au-delà d’un grave problème économique se posent des questions de dignité, d’affectivité, d’incompréhension, de révolte.
« Celui ou celle qui a choisi cette profession comme gagne-pain, mais aussi comme mode de vie, qui passe ses journées, parfois ses nuits, au moment de l’agnelage, au milieu du troupeau, qui suit chaque bête de la naissance à la mort, ne peut pas comprendre que lui soit refusé un droit systématique à la légitime défense.
« Comment, par ailleurs, parler de bien-être animal et accepter par avance qu’en moins d’une heure, des dizaines de moutons – 3 133 en une année – puissent être égorgées par des loups ? Il faut n’avoir vu le loup que sur les pages glacées des magazines ou en faire une aimable conversation de salon dans les dîners en ville pour ne pas rechercher un nouvel équilibre. Monsieur le ministre, si la présence du loupest acceptable, d’une façon générale, sur le territoire national, sa cohabitation dans les alpages avec l’agneau, voire avec le veau, est impossible.
« Si la situation qui prévaut aujourd’hui devait perdurer, on assisterait progressivement à l’abandon de l’élevage en montagne, et donc à la désertification des alpages. Or le maintien d’une population aussi nombreuse que possible en montagne est un objectif essentiel en matière d’aménagement et d’entretien du territoire. »
Il ne s’agit-là que d’une partie du texte de M. Bernard-Reymond, mais je ne puis vous en donner une lecture intégrale, au risque de dépasser mon temps de parole. Cet amendement vise à autoriser les pasteurs titulaires d’un permis de chasse à tirer les loups dans les limites des territoires consacrés à l’élevage afin de préservercelui-ci.
- M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
- M. Gérard César,rapporteur. Comme chaque fois que l’occasion se présente, Gérard Bailly aborde avec une compétence reconnue les difficultés liées à la présence du loup dans certaines régions de France.
Toutefois, n’allons pas crier au loup ! (Sourires.) En vertu de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, le loupest une espèce strictement protégée, et, aux termes son article 16, ce n’est qu’à des conditions très strictes que l’on peut déroger à ce système de protection qui interdit sa destruction.
Ainsi, l’opération de destruction doit être justifiée au regard d’un des motifs limitativement visés par la directive. Pour les loups, il s’agit de la protection des élevages, au moyen de tirs de défense.
Par ailleurs, il ne doit pas y avoir d’autres solutions satisfaisantes de protection des troupeaux, telles que le gardiennage, l’usage de chiens de protection, les célèbres patous – M. Didier Guillaume y a déjà fait référence à l’occasion de la présentation de son amendement sur le pastoralisme –, la pose de clôtures ou l’effarouchement.
Enfin, les opérations ne doivent pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de loups. À cette fin, il convient de déterminer chaque année un seuil maximal d’animaux pouvant être détruits sans nuire à l’état de conservation. Tous les ans, un arrêté interministériel fixe les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations à l’interdiction de destruction des loups peuvent être accordées par les préfets.
En définitive, en ne tenant pas compte des conditions de dérogation à la protection stricte du loup, cet amendement nous exposerait à un contentieux communautaire et la France risquerait fort d’être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne.
Sauvegarder le bien-être animal, c’est trouver un juste équilibre entre la protection des loups et la préservation des troupeaux de brebis qui, effarouchés par les loups, peuvent se jeter dans des précipices.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
- M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, sur le plan international, la directive européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992, tout comme la convention de Berne, font du loup une espèce strictement et rigoureusement protégée. Donner à tout pasteur, comme vous le suggérez, le droit de tirer à vue sur le premier loupqui approcherait de son troupeau serait en contradiction directe ces deux textes.
Ensuite, à l’échelle nationale, nous avons déjà encadré de manière relativement efficace la cohabitation entre le loup et le pastoralisme en instituant des dispositifs de protection: clôtures, effarouchement, recours à des chiens de berger, comme vient de le rappeler M. le rapporteur.
En outre, sur l’initiative de Didier Guillaume, le Sénat a adopté, à l’unanimité de ses membres, un amendement tendant à renforcer encore les possibilités de vérifier l’efficacité des dispositifs destinés à effrayer les loups.
Le retour des loupsconstitue une réelle préoccupation dans les Alpes du Sud, notamment dans la région de Gap, et dans les Pyrénées. Je considère toutefois que notre législation, qui vient d’être renforcée par l’adoption de l’amendement de M. Guillaume, nous permet de répondre aux inquiétudes légitimes des bergers tout en nous conformant aux règlements communautaires.
- M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
- M. Christian Cointat. Je voterai cet amendement, dont je suis cosignataire.
Le Sénat a adopté, hier, un amendement intéressant qui relance la réflexion sur la cohabitation avec le loup. Nous devons toutefois donner un signal fort à tous les éleveurs, de brebis ou de bovins, qui sont très inquiets. Moi, j’aime beaucoup le loup, mais je lui préfère le mouton… ou le petit chaperon rouge ! (Sourires.)
Si nous avons aujourd’hui des difficultés, c’est non parce que nous avons protégé les loups – il n’y en avait plus –, mais parce que nous les avons réintroduits. Et maintenant, il faudrait absolument les protéger ! Mais qu’on les lâche dans les rues de Bruxelles, et l’on verra si la directive reste en l’état ! (Sourires.)
- M. Charles Revet. Chiche !
- M. Gérard César,rapporteur. Et pourquoi pas à Bercy ? (Rires.)
- M. Christian Cointat. Il faut penser aux bergers qui vivent dans la crainte d’une attaque de leurs troupeaux. Oui, il faut protéger le loup, mais seulement lorsqu’il ne constitue pas un danger pour les populations ni pour les élevages de montagne !
- M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
- M. Gérard Bailly. J’ai écouté avec attention M. le rapporteur et M. le ministre et je connais bien évidemment la législation européenne sur la protection du loup. Voilà de nombreuses années que nous parlons des relations difficiles entre le loup et les bergers, mais rienne bouge pour autant. L’année dernière, un seul loupa été abattu – si le chiffre n’est pas officiel, corrigez-moi – alors que 3 133 brebis ont été tuées par des loups.
Voilà deux ans, M. François Fortassin et moi-même avons rédigé un rapport d’information sur l’élevage ovin. Nous avions alors rencontré de nombreux bergers : certains pleuraient ; d’autres voulaient abandonner le métier.
N’est-ce pas le rôle du Parlement de faire en sorte que ce débat soit enfin rouvert à Bruxelles ?
M. Pierre Bernard-Reymond m’a demandé de maintenir l’amendement, même s’il faisait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Si le Sénat venait à l’adopter, la discussion pourrait se poursuivre à l’Assemblée nationale. En tout état de cause, il convient de relancer le débat sur le plan international.
- M. Christian Cointat. Très bien !
- M. le président. M. Cointat, l’on me dit qu’il y a déjà beaucoup de loups dans les rues de Bruxelles ! (Sourires.)
Je mets aux voix l’amendement n° 117. (L’amendement n’est pas adopté.)
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Loup et pastoralisme: retour sur l’amendement Guillaume
Posté: le 03 juin 2010.
Certains estiment que ce texte n’a « qu ’une portée déclaratoire ». D’autres le considèrent comme une pièce à verser à l’actif des anti-loup. L’amendement n°201 de Didier Guillaume, président du CG26 et sénateur (Drôme-SOC), devrait modifier néanmoins le code rural. Il a en effet été adopté.
Avec cet amendement 201, l‘article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Assurer la pérennité des exploitations et le maintien du pastoralisme en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup dans les territoires exposés à ce risque.»
Ces deux lignes de texte ont donné lieu, il y a quelques jours, à des échanges soutenus que retranscrit sillon38 .
- M. Didier Guillaume. Par cet amendement, nous posons très clairement la question essentielle de la cohabitation du pastoralisme avec les prédateurs, parmi lesquels le loup. L’année 2010 est l’année de la biodiversité dont, en tant que parlementaires, représentants de la nation, nous sommes tous porteurs.
- Mme Nathalie Goulet. Nous avons tous un loup en nous ! (Sourires.)
- M. Didier Guillaume. Le 3 décembre 2009, lors de la discussion budgétaire, je posais, une nouvelle fois, dans cette enceinte, la question suivante : le pastoralisme et la présence du loup sont-ils compatibles sur un même territoire et sur un même espace ? Pour moi, la réponse est claire : non. Aujourd’hui, il faut faire les choix qui s’imposent : tel est l’objet de l’amendement que je vous propose, visant à modifier le code rural et de la pêche maritime.
Ainsi, la protection et le maintien du pastoralisme, qui est menacé par la réintroduction du loup sur certains territoires, deviendraient un axe d’action complémentaire auquel le Gouvernement doit s’attacher.
Le pastoralisme est reconnu d’intérêt général comme activité de base de la vie montagnarde dans l’article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime. Il convient de veiller à protéger cette pratique et, à ce titre, nous proposons de compléter la liste des actions à mener en faveur des activités agricoles en montagne.
Il est, en effet, plus facile de défendre la biodiversité d’un bureau parisien que sur le terrain. Comment ne pas entendre, écouter les bergers, dont le travail est si dur, si passionnant et si indispensable pour nos zones montagneuses, lorsqu’ils nous exposent leur détresse ?
- M. Yvon Collin. Bien !
- M. Didier Guillaume. On ne saurait rester sourd à l’appel au secours lancé par les éleveurs des Alpes, qui remettent en cause l’existence même de leur profession, en particulier ceux qui ont des petits et moyens troupeaux.
La situation française n’est en rien comparable au pastoralisme d’Italie, où les troupeauxsont dix fois plus grands qu’en France. Les troupeaux résidant dans les Alpes du nord, qui comptent entre 300 et 1 000 têtes, sont souvent constitués d’animaux en pension provenant de petits élevages de brebis de pays habitués à la liberté. De ce fait, ils sont difficiles à regrouper et sont donc exposés à la prédation du loup.
Croyez-vous vraiment, mes chers collègues, que l’indemnisation des attaques d’un loup soit une réponse satisfaisante à la détresse des éleveurs découvrant leurs bêtes égorgées ? Je préférerais que nous mobilisions ces crédits pour favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.
Par cet amendement, je vous propose de soutenir le pastoralisme en montagne et d’encourager la protection des troupeaux face aux attaques du loup.
Aujourd’hui, ce débat est passionné et passionnel. Nous avons déposé un amendement de sérénité et de bon sens ; ce projet de loi doit protéger le pastoralisme, sans mettre à mal la biodiversité.
- Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
- M. Gérard César,rapporteur. Notre collègue Didier Guillaume pose un réel problème. À titre personnel, je suis assez proche de sa position, mais, je tiens à le dire d’emblée, l’avis que je vais exprimer au nom de la commission sera différent.
Par le biais de plusieurs amendements, nous avons été alertés sur la menace que représente le loup pour les troupeaux dans certains territoires.
Le présent amendement n’a qu’une portée déclaratoire et ne semble donc pas indispensable.
Surtout, il est contraire aux dispositions de la directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
En effet, aux termes de l’article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime, le Gouvernement, reconnaissant les rôles fondamentaux de l’agriculture, du pastoralisme et de la forêt de montagne, s’attache à répondre à différents objectifs, sous réserve de leur conformité avec les dispositions communautaires.
Rappeler l’objectif de protection des troupeaux est louable, mais cela ne peut consister en la destruction du loup, car cette action serait précisément en contradiction avec le droit communautaire.
Pour ce qui est des autres mesures de protection, je vous rappelle que le droit actuel autorise les éleveurs à effectuer des tirs de défense, donne la possibilité de procéder à des prélèvements lorsque l’importance des dégâts le justifie et permet, chaque année, de fixer, par arrêté interministériel, les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction du loup peuvent être accordées par les préfets.
Je rappelle enfin que l’État mobilise 5,2 millions d’euros par an pour protéger les troupeaux contre les attaques du loup.
Même si je partage, à titre personnel, je le répète, l’argumentation développée par Didier Guillaume, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement, car il s’agit d’une question récurrente. Si notre collègue Gérard Bailly avait été présent, il aurait lui aussi, nous le savons, avancé les mêmes arguments. Que faire lorsque tout un troupeau de brebis est poussé par un loup dans un précipice et succombe à cette attaque ? Faut-il exiger que chaque berger ait un pataud – un pataud, c’est un chien, comme chacun sait ?
Voilà donc, monsieur le ministre, un réel problème, qui nous inquiète depuis plusieurs années et suscite le désarroi de nombreux éleveurs de moutons.
- Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est un avis défavorable, madame la présidente, parce que nous estimons que l’amendement est satisfait par la politique que finance le ministère de l’agriculture à hauteur de 5,5 millions d’euros pour accompagner le pastoralisme et mettre en place les mesures de protection nécessaires face aux loups.
Cela dit, je souscris largement à l’argumentation de M. Guillaume, étantmoi-même basque d’adoption, voire demi-basque, comme vous le savez. Je vois ce qui peut se passer dans les montagnes basques, et j’entends ce que m’en disent les bergers de la région. Le problème est réel, je le sais.
- M. Charles Revet. Je suis quant à moi normand, et chacun sait qu’il n’y a pas encore de loups en Normandie… (Sourires.) mais nous avons nos propres problèmes. Je pense en particulier à l’augmentation anormale du nombre de cerfs dans la forêt bretonne, qui a concouru à la reprise de la fièvre aphteuse dans le département.
Cela montre qu’une régulation est nécessaire. Comme le disait à l’instant Gérard César – et notre collègue Gérard Bailly nous a rappelé bien des fois, avec force, combien il était préoccupé par ce problème –, nous devons bien entendu protéger les espèces, mais nous devons en même temps prendre en considération la situation des familles et des élevages.
Je suis donc, monsieur le ministre, plutôt d’avis de soutenir cet amendement, et je le voterai. Ce sera un signal qui montrera que le Parlement se préoccupe tout à la fois du maintien des espèces et de la protection de l’outil de travail des éleveurs… et que les brebis, même si elles ne sont pas les seules, méritent qu’on leur prête attention !
- Mme la présidente.La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
- M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, cet amendement n’a pas pour vocation d’éradiquer le loup des Alpes. Aujourd’hui, les loups ont proliféré. Regardez cette photo, qui illustre un article de journal récent (M. Didier Guillaume brandit une page de journal.) rapportant qu’un loup a été tué à l’entrée de Grenoble ! Il y a un an, un loup a été tué à l’entrée de ma ville, sur la voie rapide !
Aujourd’hui, l’existence du loup n’est pas menacée. Les loups ont traversé les Alpes, et ils sont nombreux. Le loup, aujourd’hui, est en meute ! Et combien de troupeaux de mouflons, combien de biches ont été touchées dans nos montagnes ?
Il est certes hors de question – à cet égard, je remercie Charles Revet de son intervention – de revenir sur la biodiversité et sur la réintroduction du loup dans nos montagnes. Je comprends votre position, monsieur le ministre. L’objectif de cet amendement, c’est de dire clairement dans la loi qu’il faut protéger le pastoralisme en modifiant le code rural.
Les éleveurs que je rencontre, qui n’en peuvent plus, qui sont en pleurs parce qu’ils ont tout perdu, ne sont pas des excités. Ce que je voudrais éviter par cet amendement, c’est que la passion qui entoure ce sujet ne vous crée, monsieur le ministre, à vous et à vos préfets bien des problèmes !
On sait très bien ce qui se passe actuellement sur le terrain. C’est pour empêcher cela que je souhaiterais qu’il y ait une possibilité de faire des prélèvements supplémentaires, sous l’autorité du Gouvernement et des préfets, afin de rassurer les éleveurs.
Dans mon département, on a dénombré, l’année dernière, soixante-douze attaques et deux cent dix-huit brebis tuées pendant la campagne estivale. Cela ne peut pas continuer, et l’argent qui est employé à indemniser serait plus utile s’il servait à installer de nouveaux agriculteurs. Il s’agit de plusieurs millions d’euros…
- M. Bruno Le Maire, ministre. Cinq millions !
- M. Didier Guillaume. Cinq millions : ce n’est pas rien !
Cet amendement, disais-je, n’a vraiment pas pour but d’opposer les uns et les autres. J’ai eu, pendant de nombreux mois, des débats dans mon département et dans ma région sur le sujet. Les défenseurs de la biodiversité ont leur mot à dire ; la convention de Berne est là, elle est claire, et je ne souhaite pas revenir dessus.
J’estime simplement qu’au moment où, par cette loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, on veut soutenir les agriculteurs, il serait opportun d’envoyer un signal aux éleveurs français pour leur faire savoir que nous entendons leur détresse.
Tel est le sens de cet amendement, qui est vraiment mesuré et qui, loin de faire en sorte que les uns et les autres s’affrontent, vise au contraire à apaiser la tension, à calmer la situation et à faire en sorte que les éleveurs, qui font un très beau métier, puissent continuer à le faire en toute sérénité, et surtout sans risque juridique.
- Mme la présidente.La parole est à M. le président de la commission.
- M. Jean-Paul Emorine,président de la commission de l’économie. Alors que les directives européennes nous parlent du bien-être animal, on peut aussi penser à ces ovins qui sont précipités chaque année dans les montagnes et y disparaissent ! (Sourires.)
J’ai de nouveau vérifié la rédaction de cet amendement : il ne remet pas en cause la convention de Berne, mais affirme tout simplement la nécessité de préserver le pastoralisme.
Dès lors, je pense que nous pouvons le voter.
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Loup: Nicolas Sarkozy favorable aux tirs de prélèvement
Posté: le 27 août 2010.
Nicolas Sarkozy s’est rendu dans une ferme située près de Sisteron, à Noyers-sur-Jabron, dans le département des Alpes de Haute Provence. Un département ou le loup cause des dégâts sur les troupeaux.
Au cours de la table ronde qui a suivi cette visite, le président de la république a annoncé des meusures attendues par l’ensemble de la profession agricole du département concerné.
« J’ai demandé au préfet de prendre sous huit jours un arrêté préfectoral permettant d’engager un tir de prélèvement du loup pour les zones du département où l’attaque du loup relève d’une intensité exceptionnelle. »
Il a rajouté qu’il fallait assurer la protection des troupeaux. » Cela passe par la formation accélérée au permis de chasser à destination des bergers et des éleveurs ».
Il a tout de même rappelé que le loup est devenu un problème majeur pour le pastoralisme mais qu’il fait partie des espèces protégées.
Ces mesures seront elles applicables sur l’ensemble des départements touchés par la présence du loup, dont l’Isère???
Affaire à suivre.
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Loup: mesure de prélèvement dans le Diois
Posté: le 04 novembre 2010.
Le loup est bien installé en Drôme. Pour preuve on dénombre à ce jour 49 attaques faisant 207 victimes, en très grande majorité des ovins. Parmi celles ci 113 sont à déplorer sur des troupeaux des éleveurs du Diois, dans les secteurs de Boulc et Glandage, ou ont été recensées 55% des attaques.
Afin de limiter la casse, de protéger les troupeaux, une mesure de prélèvement a été prise par la préfecture de la Drôme. Celle ci placée sous le commandement de l’ONCFS ( office national de la chasse et de la faune sauvage).
Une battue a donc été eu lieu mais a échoué. Il a donc été décidé de renforcer le dispositif en organisant deux patrouilles de nuit, dans les secteurs concernés afin d’abattre un loup.
On espère de cette façon limiter les dégâts du prédateur.
Prédation des loups et des chiens errants : une étude qui change tout
Une étude scientifique récente (2009), publiée par la "Zoological society of London", réalisée dans le pays basque espagnol apporte un regard nouveau sur la prédation,respective des chiens divagants et des loups.
L'analyse génétique des fèces permet de différencier et les espèces et leur régime alimentaire respectif. On sait qui mange qui, loin de toutes les influences, quelles soient pastorales ou environnementales. Une étude scientifique qui remet en cause la méthode et les résultats de l'étude de Laurent Garde.
Les études de Laurent garde :
- "Attaques de chiens sur les troupeaux ovins dans le Luberon et comparaison avec la prédation en territoires à loups" : Laurent GARDE (CERPAM), 2005 et
- "Dégâts de chiens divagants et de prédateurs sauvages hors zone à loups : résultats d’enquêtes sur sept territoires d’élevage" :BRUNSCHWIG G., BROSSE-GENEVET E., DUMONTIER A., GARDE L. (2007)
se basent sur des "témoignages d''éleveurs". Il me semble juste de dire que les éleveurs ne sont pas "neutres" dans la problématique des grands prédateurs, même s'ils ne sont pas dans un territoire où le loup est présent. La subjectivité, la solidarité avec les éleveurs en zone à loup est bien présente. La marche d'erreur de cette méthode par "enquête" est difficile à estimer mais ne me semble pas négligeable. Comme c'étaient les seules études sur le sujet, elles n'ont pas encore été remise en cause, mais avec cette étude de la Zoololigical society of London, cela pourrait bien changer. Laurent Garde expliquait, concernant son étude : "Il apparaît impératif de se donner les moyens de distinguer les deux types de prédation pour mieux les caractériser. Ce travail est impossible à mener dans un territoire à loups où nous sommes confrontés
en permanence à un ensemble indissociable « loups + chiens »"
L'intérêt de la méthode proposée par cette nouvelle étude de J. Echegaray et C. Vila est que "distinguer les deux types de prédation pour mieux les caractériser devient possible" grâce à l'analyse génétique des fèces. Cette étude scientifique basée sur une méthode bien moins subjective que des déclarations orales apporte un éclairage nouveau sur la réalité de la prédation par des chiens errants ou divagants.
"Noninvasive monitoring of wolves at the edge of their distribution and the cost of their conservation"
Suivi non invasif du loup à la frontière de sa zone de distribution et des coûts de sa conservation
par J. Echegaray (1,2,3) & C. Vilà (3)
1 Basque Wolf Group, Vitoria-Gasteiz, Spain
2 Center for Conservation and Evolutionary Genetics, Smithsonian Institution, Washington, DC, USA
3 Estación Biológica de Donana-CSIC, Seville, Spain
Keywords : mitochondrial DNA • microsatellites • noninvasive monitoring • Spain • Canis lupus • dog • predator control
Résumé
éleveurs imprudents qui ne se sont pas préparés à leur venue, ce qui ce traduit par des prédations et des coûts économiques non négligeables.
Ces coûts ramenés par prédateur peuvent avoir des répercussions importantes sur la politique de conservation et de gestion des populations de prédateurs.
Durant la période 2003-2004, nous avons récoltés 136 fèces préalablement identifiées comme appartenant à des loups gris le long de la frontière de leur territoire dans la péninsule ibérique (Pays basque). Les analyses génétiques nous ont permis d’identifier les espèces d’origine dans 86 cas : 31 fèces appartenaient à des loups (Canis lupus), 2 à des renards (Vulpes vulpes)
et 53 à des chiens (Canis familiaris). Pour les loups, nous avons identifiés 16 individus différents.
En se basant sur le coût de la prévention et de la compensation des dommages, nous estimons le coût de conservation des loups à 3000€ par loup et par an pour la période 2003-2004. Cependant, la plupart des fèces de loups contenaient des
restes de leurs proies : des animaux sauvages alors que les déjections de chiens contenaient la plupart du temps des restes d’animaux domestiques. Cette découverte suggère que les chiens errants et divagants (uncontrolled dogs) pourraient être responsable de certaines
des attaques de bétail domestique, contribuant ainsi à l’imagine négative de la protection du loup auprès du public et à l’augmentation du coût de sa protection.
Extraits
Les brebis sont souvent en liberté et ne sont pas surveillées par un berger. Les éleveurs rapportent que ces brebis sont parfois attaquées par des loups, ce qui génère des conflits entre les éleveurs et les associations environnementalistes. Les chiffres du gouvernement d’Alava
montrent que durant la période 2003-2004, 432 brebis ont été prédatées lors de 154 attaques ; 94% de ces attaques sont attribuées au loup (Aguirrezàbal & Sànchez, 2007). En réponse à ses attaques, 27 battues furent organisées en 2 ans pour tuer des loups, résultant sur la mort connue de 2 loups. Les dégâts sur troupeaux furent compensés financièrement pour toutes les attaques attribuées au loup. Les brebis représentent 92% des prédations, les dégâts ovins correspondent à 0,3% de l’ensemble du cheptel ovin présent dans la zone et à 80% des coûts.
Le coût de la prévention et les compensations des attaques de loups s’élève à 108.696€. Durant les 2 années, 60% de ce montant a été investis dans des activités de prévention, dont notamment l’achat et l’entretien de chiens de protection. Durant cette période, seulement 10
attaques, affectant 30 brebis ont été attribuées à des chiens.
déjections appartenaient à des loups ou à des chiens domestiques et pour analyser si les fèces contenaient des restes de gibier sauvages ou d’animaux domestiques. (...)
A partir du faible nombre de loups (16) et du nombre élevé des attaques, le régime alimentaire des loups du pays basque apparaît comme étant fortement dépendant des troupeaux domestiques et principalement des brebis (non gardées). (...)
Nous avons identifiés les restes alimentaires de prédations présents dans les fèces des loups et des chiens. Toutes les déjections ne contenaient qu’une seule espèce de reste à la fois.
- Fèces de loups
Parmi les 30 fèces de loups étudiées, 73% des restes appartiennent à des animaux sauvages, seulement 3% appartiennent à des ovins :
- une seule contenait des restes non identifiés,
- 22 contenaient des restes de chevreuils (capreolus capreolus),
- 3 des restes de sanglier (Sus Scrofa),
- 1 des restes de blaireau (Meles meles)
- 1 des restes de lièvre (Lepus europaeus)
- 8 contenaient des restes d’animaux domestiques (équins:4, bovins :3, ovins :1)
- Fèces de chiens
Parmi les fèces de chiens étudiées : 39 restes ont été identifiés et 14 n’ont pu l’être. 54% des crottes contenaient des restes d’animaux d’élevage :
- 14 fèces (36%) contenaient des restes d’ovins
- 7 (18%) contenaient des restes de chevaux ou de bovidés.
Cela suggère que certaines attaques perpétrées contre les brebisAu Royaume-Uni, où les loups sont absents, 30.000 brebis et entre 5.000 et 10.000 agneaux sont tués chaque année par des chiens. Ces pertes s’élève à 2,5 millions d’eurospar an.
Dans la région proche du Pays basque, 14% des attaques sur des animaux domestiques, initialement attribuées aux loups sont refusées avant le comité de dédommagement par des équipes de techniciens
spécialisés qui déterminent que les loups ne sont pas les causes de ces attaques.
Les loups sont présents au pays basque depuis 1980, mais les chiens n’ont pas été considérés comme des prédateurs potentiels avant 2003. Une des raisons pour lesquelles les chines ne sont pas considérés comme prédateurs est la difficulté de déterminer quel est le prédateur responsable des attaques, les traces laissées par l’attaquant étant bien
souvent ambigües. Le personnel expérimenté de la région voisine de Castille et Léon qui utilise des protocoles standardisés est incapable de déterminer si ce sont des chiens ou des loups qui sont responsables dans 30% des attaques. Dans cette région, beaucoup de loups sont présents, alors que dans le pays basque, le nombre de chiens est bien supérieur au nombre de loups.
Des méthodes de prévention et d’estimation des responsabilités respectives entre chien et loups sont vitales pour diminuer les prédations sur les troupeaux et pour réduire les conflits
entre les prédateurs et les populations. Avec cette étude, ils montrent que la méthode d’analyse génétique est un outil pour développer ces programmes.
La fait que dans de nombreux endroits, les éleveurs ne reçoivent des compensations uniquement en cas d’attaques de loups, biaise la réalité et peut générer soit la rédaction de rapports défavorables au loup soit des blâmes contre les techniciens qui refusent d’attribuer les attaques aux loups. Une critique sociale des loups faussée et exagérée encourage la naissance d’oppositions à la conquête de nouveaux territoires par le prédateur, exacerbe les conflits qui
mènent à un contrôle de la population et à une diminution de l’application de mesures non létales qui pourraient protéger autant les loups que les animaux domestiques.
Comparaison
Dans le début de son étude de 2005, sous "Problématique et objectifs", Laurent Garde précisait : "La coexistence des loups et de chiens en divagation sur les mêmes territoires brouille en permanence la compréhension des problèmesn spécifiques dus aux loups." L'analyse génétique respectives des fèces de loups et de chiens est une méthode qui supprime ce "brouillard" et permet de mieux analyser le programme alimentaire des deux espèces.
Dans la suite de son introduction, Laurent Garde montre très bien son parti-pris. Travaillant au CERPAM, une position très très proche des éleveurs, il semble dire que l'estimation des dégâts causés par les loups est biaisée par l'attitude associations de protection du prédateur : "La traduction grand public de cet état de fait, sous l’influence des associations de protection de la nature, est que les loups représentent un problème mineur comparé à celui que posent les chiens «errants». Or ce discours communément admis paraît contredit par l’ampleur des efforts de protection immédiatement nécessaires dès la fixation d’une population de loups." Sa propre situation
professionnelle et les contacts réguliers qu'il entretien avec les ultrapastoraux pyrénéens me permettent de me poser des questions sur ses objectifs et sur sa méthode : N'est-il pas "sous l'influence des associations pastorales"? Ne cherche t-il pas à maximiser les chiffres
de prédations liées au loup? Ce sont les seules qui permettent le dédommagement des éleveurs. La méthode utilisée : "l'envoi d'un questionnaire à la population d'éleveurs concernés"
ne garantit en rien l'objectivité des réponses puisque les éleveurs ont intérêts à dire que les dégâts causés par les chiens errants sont insignifiants pour obtenir de plus fortes indemnisations. Biens sûr, jusque là, son étude était la seule étude sur le sujet. Présentée comme scientifique, elle n'a portant jamais fait l'unanimité.
Là ou je suis d'accord avec Laurent Garde, c'est quand il dit : "Il apparaît donc impératif de se donner les moyens de distinguer les deux types de prédation pour mieux les caractériser." Pour cet employé du "Centre d'Etudes et de Réalisation Pastorales Alpes méditerranée", "ce travail est impossible à mener dans un territoire à loups où nous sommes confrontés en permanence à un ensemble indissociable loups + chiens». Son choix méthodologique était basé sur le fait qu'il "est possible de caractériser la prédation « chiens » dans un territoire sans loups."
La méthode de l'analyse génétique utilisée dans cette étude en Espagne montre qu'il est maintenant possible de dissocier les attaques de chiens et les attaques de loups dans un territoire où les deux espèces cohabitent. De plus, l'analyse des restes alimentaires dans les fèces permet de connaître le régime alimentaire des deux espèces. Ce choix méthodologique nouveau, supprime la subjectivité et les imprécisions de l'étude de Laurent Garde. "This finding suggests that uncontrolled dogs could be responsible for some of the attacks on livestock, contributing to negative public attitudes toward wolf conservation and increasing its cost".
Intéressant, non ? Je vous invite à télécharger le document complet de cette étude (en anglais) :
"Noninvasive monitoring of wolves at the edge of their distribution ...
Extrait de "Animal Conservation (2009) 1–5.
© 2009 The Authors. Journal compilation
© 2009 The Zoological Society of London