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L’agriculture naturelle du non-agir de Masanobu Fukuoka et la permaculture

 

Près d'un petit village de l'île de Shikoku, au sud du Japon, Masanobu Fukuoka a développé une méthode d'agriculture naturelle qui pourrait aider à inverser le mouvement dégénéré de l'agriculture moderne. L'agriculture sauvage ne nécessite ni machines, ni produits chimiques et très peu de désherbage. M. Fukuoka ne laboure pas la terre et n'utilise pas de compost préparé.
[...]

Il n'a pas labouré la terre de ses champs depuis 25 ans et cependant leur rendement peut être favorablement comparé à ceux des fermes japonaises les plus productives. Sa méthode agricole demande moins de travail qu'aucune autre méthode. Elle ne crée aucune pollution et ne nécessite pas d'énergie fossile.
[...]
A strictement parler, la seule agriculture « sauvage » est la chasse et la cueillette. Faire pousser des récoltes agricoles est un changement culturel qui requiert de la connaissance et un effort constant. La distinction fondamentale est que Mr Fukuoka cultive en coopérant avec la nature plutôt qu'en essayant de l' « améliorer » par la conquête. Extrait de l'introduction de La révolution d'un seul brin de paille.

 

 

Sa technique d’agriculture ne nécessite :

  1. pas de machines,
  2. pas de produits chimiques 
  3. très peu de désherbage.
  4. Pas de labourage du sol
  5. Pas d'utilisation de compost préparé
Et pourtant l’état du sol de ses vergers et de ses champs ne cesse de s'enrichir et de s’améliorer au fil des années.

 

Sa méthode :

  1. ne crée pas de pollution et
  2. ne nécessite pas d’énergie fossile. 
  3. nécessite moins de travail qu’aucune autre.
Et pourtant les récoltes de son verger et de ses champs rivalisent avec les fermes japonaises les plus productives utilisant les techniques de la science moderne...

Le jardin de Emilia Hazelip (1995) 1/2

Les jardins auto-fertiles consistent en des aménagements visant la culture de fruits et légumes en recréant un écosystème diversifié où les processus naturels sont mis à contribution.

Les jardins auto-fertiles doivent beaucoup aux jardins synergétique développés par Emilia Hazelip, qui elle-même s’inspirait beaucoup des travaux de l’agriculteur Japonais Masanobu Fukuoka, fondateur de l’agriculture naturelle.

La pratique se focalise surtout sur l’aménagement de buttes paillées.


Le jardin de Emilia Hazelip (1995) 2/2


Les quatre principes de base :
  •     Pas de travail du sol

> ne pas labourer et de ne pas sarcler et biner.

Pendant des siècles, les agriculteurs ont tenu pour établi que la charrue était essentielle pour faire venir des récoltes. Pire encore depuis quelques décennies les vendeurs de matériel ont fait croire aux agriculteurs de la nécessité de retourner littéralement la terre avec des socs renverseurs de plus en plus gros, tractés par des engins de plus en plus gros.

Ces socs renverseurs retournent la terre en profondeur, ce qui étouffe la faune et la flore aérobies (qui ont besoin d'oxygène), détruit l'humus et détruit les ingénieurs du sol. Les anciens, eux, passaient le soc à faible profondeur uniquement pour butter les cultures ou former des billons.


En agriculture sauvage on profite de l'action des différents ingénieurs du sols et des systèmes racinaires des plantes, qui travaillent et enrichissent le sol bien mieux et à moindre coût que n'importe quel procédé humain. La terre se cultive elle-même, naturellement, par la pénétration des racines des plantes et l'activité des microorganismes, des petits animaux et des vers de terre. C'est comme si un agriculteur cultivait et mettait en jachère simultanément un champ.


  •  Pas de fertilisant chimique ou de compost préparé

"le grain pour l'homme, la paille pour la terre". Pour fertiliser, M. Fukuoka met :fait pousser

  1. une légumineuse en couverture du sol,
  2. le trèfle blanc (qui fixe l'azote de l'air dans ses racines), 
  3. la paille battue sur les champs, 
  4. un peu de fumier de volaille.

Les engrais chimiques accélèrent la minéralisation et détruisent l'humus. L'humus qui constitue une sorte d'engrais à libération lente dans la nature, devient par sa destruction un engrais coup de fouet. L'utilisation d'engrais chimique sur une parcelle naturelle donnera de grosses récoltes les premières années, mais l'humus se détruisant plus vite qu'il ne se reconstitue, la terre deviendra extrêmement pauvre voire stérile au bout de quelques décennies (ce qui est en train de se produire dans la Beauce).

 

Les engrais naturels utilisés par Fukuoka, eux, "nourrissent" la terre. Dans cette logique le carbone, sous la forme de bois ou de paille, devient tout aussi important que l'azote (c'est pour cela que les sols forestiers sont les plus fertiles au monde).

 

Les hommes brutalisent la nature et malgré leurs efforts ils ne peuvent pas guérir les blessures qu'ils causent. Leurs pratiques agricoles insouciantes vident le sol de ses aliments essentiels et l'épuisement annuel de la terre en est la conséquence. Laissé à lui-même, le sol entretient naturellement sa fertilité, en accord avec le cycle ordonné de la vie des plantes et des animaux.

 

  • Ne pas désherber

Les mauvaises herbes jouent leur rôle dans la construction de la fertilité du sol et dans l'équilibre de la communauté biologique. C'est un principe fondamental que les mauvaises herbes doivent être contrôlées, non éliminées.

 

  •  Pas de produits chimiques

M. Fukuoka fait pousser ses récoltes de céréalese sans produit chimique d'aucune sorte. Sur quelques arbres du verger, il a occasionnellement recours à une émulsion d'huile de machine pour contrôler la cochenille (insect scales). Il n'utilise pas de poison persistant ou à large spectre, et n'a pas de « programme »pesticide. Depuis le temps que les plantes faibles se sont développées, conséquence de pratiques contre nature telles que le labour et la fertilisation, la maladie et le déséquilibre des insectes sont devenus un grand problème en agriculture.

 

La nature, laissée seule, est en parfait équilibre. Les insectes nuisibles et les maladies des plantes sont toujours présents, mais n'atteignent pas, dans la nature, une importance qui nécessite l'utilisation de poisons chimiques. L'approche intelligente du contrôle des maladies et des insectes est de faire pousser des récoltes vigoureuses dans un environnement sain.

 

La suite et plus de détails sur  : http://www.citerre.org/fukuokamct.htm


Un jardin sans travail du sol...


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Les commencements...L’idée de l’agriculture naturelle est venue à Fukuoka tandis qu’il regardait le lever de soleil depuis un endroit surplombant la baie de Yokohama :il réalisa que la Nature était intrinsèquement parfaite et que les problèmes ne surgissaient que dès lors qu'il y avait intervention humaine pour tenter de l'"améliorer"pour en tirer profit . Echouant à se faire entendre, il décida de retourner à la ferme familiale afin de créer un exemple concret de sa compréhension en l’appliquant à l’agriculture.

 

Mais par où commencer ? Fukuoka prit le contre-pied des méthodes habituelles pour développer des techniques agricoles: « Et si j’essayais de ne pas faire ceci ? et si j’essayais de ne pas faire cela ? — c’est la voie que j’ai suivie. Maintenant je sème simplement des graines et j’épands de la paille pour faire pousser mon riz, mais ça m’a pris plus de 30 ans pour parvenir à cette simplicité ».

 

L’idée de base pour faire pousser son riz lui est venue à la vue de pousses de riz vigoureuses dans une friche non labourée depuis des années. Il décide alors:
  • plutôt que de semer du riz au printemps , de déposer les graines à l’automne au moment où elles tombent naturellement au sol. 

Quand le riz est semé en automne et laissé découvert, les semences sont souvent mangées par les souris et les oiseaux ou bien elles pourrissent au sol et c'est pourquoi j'enferme les semences de riz dans de petites boulettes d'argile avant de semer. La semence est étalée sur un plateau ou une panière que I'on secoue dans un mouvement de va-et-vient circulaire. On la saupoudre d'argile finement pulvérisée et on ajoute de temps en temps une fine buée d'eau. Cela forme de petites boulettes d'environ un centimètre de diamètre. Il y a un autre procédé pour faire les boulettes.

 - On fait d'abord tremper dans I'eau pendant plusieurs heures la semence de riz décortiqué. On la retire et on la mélange à de I'argile humecté tout en foulant des pieds ou des mains. Puis on presse I'argile à travers un tamis en grillage de cage à poule pour le séparer en petites mottes. On doit laisser sècher les mottes un jour ou deux, ou jusqu'à ce qu'on puisse aisément les rouler en boulettes entre les paumes. Idéalement il y a une graine par boulette. En un jour il est possible de faire assez de boulettes pour ensemencer environ deux hectares.

Selon les conditions j'enferme quelquefois les semences des autres céréales et des Iégumes dans des boulettes avant de semer. De mi-novembre à mi-décembre c'est le bon moment pour semer à la volée des boulettes contenant la semence de riz parmi les jeunes plants d'orge ou d'avoine, mais on peut aussi les semer à la volée au printemps  . On étend sur le champ une fine couche de fumier de volaille pour aider à décomposer la paille et les semailles de I'année sont terminées.

En mai les céréales d'hiver sont moissonnées. Après le battage toute la paille est répandue sur le champ.
  • au lieu de labourer pour enlever les mauvaises herbes, de les contrôler avec une couverture végétale de trèfle blanc et un mulch de paille d’orge.
  • dès qu’il ait parvenu à faire pencher la balance légèrement en faveur des plantes qu’il veut faire pousser, d'interfèrer le moins possible avec les communautés de plantes et d’animaux de ses champs.

Cela ne veut pas dire que Fukuoka n’a pas tenté des expériences:

  • Il a essayé plus de 20 espèces de couvertures de sol différentes avant d'opter pour le trèfle blanc, le seul par vraiment efficace pour contenir les mauvaises herbes en plus d'améliorer le sol en fixant l’azote.
  • S'apercevant que les grains de riz ne parvenaient pas à traverser la paille qu'il avait répandu avec soin mais que paradoxalement, là ou elle était éparpillée dans tous les sens, des pousses  avaient émergé, l’année suivante, il éparpilla la paille dans tout le champ.

Certaines années ses expérimentations ont presque anéanti ses récoltes, mais à de petits endroits les choses marchaient plutôt bien. S'appuyant sur ses observations,sans idée préconçue de ce qui marcherait le mieux, à l'écoute de la Nature, Fukuoka améliora sa technique  au fil de ses essais avec comme principe de base de limiter autant que possible l’intelligence humaine dans le processus de décision.


La façon dont il fait pousser ses légumes reflète aussi cette idée : mélange de graines éparpillées au hazard entre les citronniers, dans le verger. Au lieu de décider quels légumes iraient le mieux à telle place,il les a laissés trouver leur place, souvent à des endroits auxquels il aurait le moins pensé. Les légumes se ressèment alors eux-mêmes ,se déplaçant dans le verger d’année en année. Ils sont plus robustes, et reviennent peu à peu à la forme de leur ancêtres semi-sauvages.

 

 

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La ferme de Fukuoka était un modèle pointu de conception permaculturelle:

 

En zone 1, la plus proche de la maison familiale dans le villa, se trouve le "potager" dans le style traditionnel japonais:

  • déchets ménagers enfouis dans les rangées, 
  • rotation,
  • poules en libre accès.

Ce jardin est véritablement une extension de la zone de vie de la maison.

 

 

En zone 2 , le champ de céréales. 

culture de riz et de l’orge chaque année. Parce que la paille retourne au champ et qu’il y a une sol enrichi grace à la couverture de trèfle blanc au sol et à la paille éparpillée.

l’équilibre naturel entre insectes et la fertilité du sol cantonnent les invasions d’insectes et de maladies au minimum.

 

Jusqu’à ce que Bill Mollison lise « La révolution d’un seul brin de paille » il disait qu’il n’avait aucune idée de comment faire pousser des céréales dans une conception permaculturelle. Tous les modèles agricoles impliquaient le labour du sol, pratique avec laquelle il n’était pas d’accord. Maintenant il inclut la technique du non-labour de Fukuoka dans ses enseignements.

 


En zone 3 : le verger .

  •  arbre principal : le mandarinier, associé à beaucoup d’autres arbres fruitiers, des arbustes natifs du Japon, et des arbres décoratifs,  dont nombre sont fixateurs d’azote et améliorent le sol en profondeur.
  • L’étage inférieur est occupé par les citronniers et les autres arbres fruitiers.
  • Le sol  couvert d’un mélange exubérant de mauvaises herbes, de légumes et de trèfle blanc.
  • Les Poules en liberté.

Ce verger aux multiples étages s’est développé au travers d’une évolution naturelle plutôt qu’au travers d’une conception consciente. Il contient cependant beaucoup de caractéristiques d’une conception permaculturelle: Il contient une

  • multitude d’espèces, 
  • maximisation de l’espace, 
  • puits solaires ,
  • maintien de l’équilibre des populations d’insectes.
En zone 4: partie ou les visiteurs sont invités à observer  les animaux et oiseaux sauvages allant librement, la forêt environnante source de champignons, de plantes sauvages et de légumes. C’est aussi une source d’inspiration. « Pour avoir une idée de la perfection et de l’abondance de la Nature », dit Fukuoka, « faites une marche dans la forêt de temps à autre. Là-bas, les animaux, les grands arbres et les arbustes vivent en harmonie. Et tout cela sans ingéniosité ou intervention humaine ».
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 Avec Bill Mollison..

 Agriculture naturelle de Fukuoka / Permaculture , des approches complètement opposées:

  • La permaculture se base sur l’intelligence humaine pour concevoir une stratégie pour vivre de manière soutenable et dans l’abondance, avec la Nature.
  • Fukuoka voit en l’intelligence humaine le coupable de la séparation entre humains et Nature.

Et pourtant....L’adage « plusieurs chemins pour un même sommet » semble particulièrement s’appliquer ici.

 

 

Fukuoka, dans son livre "La révolution d'un seul brin de paille" est peut-être celui qui a le mieux exposé la philosophie de base de la permaculture. En bref, c'est la philosophie de travailler avec, plutôt que contre, la Nature; d'une observation sensée plutôt que de travail insensé; et de regarder les plantes et les animaux suivant l'ensemble de leurs fonctions plutôt que de traiter chaque domaine comme un système à production unique. (Bill Mollison dans Permaculture 2)

 

L’agriculture naturelle et la permaculture partagent une profonde reconnaissance l’une par rapport à l’autre. Les nombreux exemples de permaculture à travers le monde montrent qu’un système d’agriculture naturelle est véritablement universel. Il peut être appliqué aux régions désertiques aussi bien qu’aux régions humides tempérées du Japon.

 

Le mouvement mondial de la permaculture est également une inspiration pour Fukuoka. Pendant des années il a travaillé pratiquement seul:

  • Non reconnaissance de son travail : pendant la plus grande partie de sa vie, le Japon resta sourd à son message.
  • Boycott des maisons d'éditions que son concept et ses techniques novatrices, si éloignés des positions habituelles, faisaient fuir si bien qu'il dû publier ses ouvrages par lui-même.
  • Raillerie des villageois dès que ses expériences rataient...

Aussi, quand au milieu des années 80, il s’est rendu à une convergence de permaculture à Olympia à Washington, réunissant près d'un millier de gens et ou il rencontra Bill Mollison, il fut  bouleversé et encouragé par le nombre et la sincérité des gens qui partageaient sa pensée. Il a remercié Mollison pour « avoir créé ce réseau de gens énergiques et brillants travaillant à sauver la planète ». « Maintenant, pour la première fois de ma vie j’ai de l’espoir pour l’avenir ».

 

En retour, la permaculture a adopté une multitude de choses de Fukuoka. Au delà des nombreuses techniques agricoles, comme la culture de céréales basée sur le non-labour et la culture de légumes comme des plantes sauvages, la permaculture a aussi gagné  une véritable base spirituelle qui lui faisait défaut lors de ses premiers enseignements.

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 Fukuoka croit que l’agriculture naturelle commence avec une bonne spiritualité individuelle. Il considère que le rétablissement de la terre et que la purification de l’esprit humain sont un même processus, et il propose un mode de vie et une méthode d’agriculture dans lesquels ce processus prend sa place. « Le but ultime de l’agriculture n’est pas la culture des récoltes, mais la culture et la perfection des êtres humains. »

 

Le travail de Masanobu Fukuoka a eu  un impact mondial. De nos jours il est souvent considéré comme un pionnier de l’agriculture biologique et de la permaculture. M. Fukuoka nous a quittés en 2008 à l’âge respectable de 95 ans, après avoir passé 70 ans dans sa ferme et plusieurs années à sillonner le monde pour enseigner sa technique. Sa méthode s’est répandue en Asie, en Afrique, en Europe et ailleurs. En Inde, beaucoup de fermiers le regardent comme un maitre et on surnommé sa méthode «rishi kheti», ce qui signifie «l’agriculture des sages». Il a voyagé vers de nombreuses terres désolées en Afrique, Europe et ailleurs pour enseigner comment produire de la nourriture tout en restaurant des écosystèmes dévastés.

 

 

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Sources :

Article paru en 2003  de Larry Korn concernant les liens entre agriculture naturelle et permaculture.

http://madeinearth.wordpress.com/2009/02/24/lagriculture-naturelle-de-masanobu-fukuoka-et-la-permaculture

http://jardinpotagerurbain.wordpress.com/

http://www.citerre.org/fukuokamct.htm

http://fr.ekopedia.org/Agriculture_naturelle.

 

 

Contact :
Larry Korn P.O. Box 2384 Berkeley, CA 94702
(510) 530-1194
FAX (510) 530-1194

 

Bibliographie :

  • La révolution d'un seul brin de paille par Masanobu Fukuoka, Guy Trédaniel Éditions (1983 rééd. 2005). ISBN 2844456243. 
  • L'agriculture naturelle par Masanobu Fukuoka, Guy Trédaniel Éditions (2004). ISBN 2844455506. 
  • La voie du retour à la nature par Masanobu Fukuoka, Guy Trédaniel Éditions (2005). ISBN 2702903452
  • Abrégé d'agriculture naturelle par Olivier Barbié, ITAN (2006). IDDN 978-2-9528-9530-9.

 



01/04/2011
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